[TW/Avertissement : violences policières, automutilations, tentatives de suicide.]
4 personnes enfermées dans le centre de rétention administrative de Nîmes reviennent ici sur la situation actuellement très compliquée dans laquelle elles se trouvent. Les conditions de santé sont catastrophiques, spécialement en ce moment à cause de deux épidémies de gale et de coronavirus simultanées. Les keufs font tout pour que l’hygiène soit problématique : bâtiments laissés dégueulasses, coupures d’eau pour empêcher les retenu.e.s de se laver, refus de prendre en compte les demandes des retenu.e.s (sur les punaises de lit par exemple). Les keufs leur interdisent tout et n’importe quoi, annulent arbitrairement certains parloirs, insultent les prisonnier.e.s, les provoquent et les tabassent en permanence. Les médecins, Forum Réfugiés (l’association juridique dans le CRA) et les avocat.e.s commis.e.s d’office ne font rien et travaillent clairement pour les keufs et pour faciliter les expulsions, qui sont par ailleurs très violentes. Un prisonnier confirme l’existence d’expulsions même sans test PCR (vers la Tunisie). Lorsque des personnes à l’intérieur s’indignent des insultes des keufs, quand elles sont malades ou après une tentative de suicide, elles sont envoyées au mitard du CRA en manquant de tout.
Q. : Forum il fait pas son travail ?
B. : Y a personne qui fait son travail ici ! C’est pas que Forum, y a personne qui fait son travail. Tout le monde, même le surveillant ici, m’a dit : « C’est pas nous c’est le directeur, il est d’accord », tu vois ? Il a tapé mon collègue, il a cassé son pied. Une fois que tu sors [de cellule], il tape : il n’y a pas de caméra de surveillance. Il fait rentrer 3-4 personnes et comme ça ils tapent. T’as pas accès à l’eau, tu veux un courrier pour la famille, pour Forum… Tu as pas le droit de rien, tu vois ?
Q. : Ça s’est passé comment là, quand les keufs ils ont tapé ?
Prisonnier 2 : Franchement mon collègue on lui a fait la fouille complète et tout, on n’a rien trouvé sur lui et tout. Il a commencé à parler avec la police, normal, il lui a dit : « Voilà, laisse-moi rentrer dans ma chambre, ça y est j’ai fini laisse-moi rentrer dans ma chambre ». Il a pris mon collègue, il a commencé à le taper et tout. Il l’a pris tout seul. Un moment il est parti, il m’a regardé moi, et un autre collègue. Il a sorti mon collègue, il est par terre. Il a commencé à le taper. Il y a 3 personnes [des flics] sur lui qui ont commencé à le taper. Il est parti en garde-à-vue ! 48 heures sans manger, sans cigarettes, sans rien.Après il a compté sur le tribunal [pour porter plainte contre les keufs] mais le juge, il a dit quoi ? Il a dit : « J’ai pas de rapport comme quoi c’est vrai, y a pas de rapport de médecin ». Comme quoi, le médecin, il est avec la police.Après il a fait le certificat médical. Il a demandé : il ne marche plus d’un pied, le médecin fait une fiche de certificat de 1 jour [de temps de rétablissement]. Le mec il marche pas sur un pied. Il est cassé le pied ! Il faut le mettre à l’hôpital Carémeau de Nîmes, tu vois ? Le chef d’ici n’a pas accepté.
Q. : Il a pas fait de rapport qui dit que les keufs ont cassé son pied quoi.
B. : Voilà. Même pas ils ramènent des béquilles pour marcher. Il prend deux gars pour marcher à côté de lui. Même une dame de sa famille, elle a amené des béquilles, on lui a dit : « T’as pas le droit aux béquilles dedans. » Tu vois ?
Q. : Ouais. Et la personne qui était 48 heures en garde-à-vue, pourquoi elle était en garde-à-vue ?
B. : Pour rien ! C’est eux qui décident de faire une garde-à-vue. Tu demandes un truc pour toi, tu demandes juste d’aller aux bagages, et tu pars en garde-à-vue. Tu demandes une 2ème fois, une 3ème fois, et 3 policiers viennent. Ils commencent à te taper et tu descends en garde-à-vue 24 heures, 48 heures, ils s’en foutent de toi. Tu restes là-bas comme un chien. Le chien, c’est mieux que nous.
Q. : Et les garde-à-vue ça se passe où ?
B. : Beh ici, dans le centre.
Q. : Ok. Il y a un commissariat dans le centre ?
B. : C’est pas un commissariat comme… C’est un commissariat du CRA, comme de l’isolement. T’es tout seul. Comme en garde-à-vue, t’es tout seul, mais y a pas de télé, y a pas de draps, y a rien. Tu dors par terre.Il y a tout le monde ici. : des rendez-vous pour l’hôpital, des rendez-vous dehors. Une fois, tu vois tu dois prendre ton rendez-vous : « il est là mon rendez-vous, est-ce que c’est possible que je sorte pour mon rendez-vous ? » Il me dit : « Oui oui oui », et le jour du rendez-vous plus rien.Franchement, c’est la catastrophe, c’est la merde. T’as le droit à rien du tout, rien, rien, rien. Aujourd’hui j’ai parloir, ils voulaient pas me l’accepter. Ma famille est venue me voir, ils m’ont dit non.
Q. : Ils suppriment les parloirs comme ça au hasard ?
B. : C’est eux qui décident. Franchement c’est chaud. Ils voulaient quoi ? On comprend pas ! C’est mieux la prison par rapport à ici, c’est mieux que faire ça ! Même la police ils te provoquent pour te taper avec quelqu’un. Mais nous, c’est pas se taper avec un policier, tu vois ?Moi, ils m’ont ramené avec un certificat comme quoi j’étais positif. C’est le covid. Quand quelqu’un a le covid, normalement il doit rester 10 jours tout seul. Moi ils m’ont juste ramené le certificat comme quoi j’avais le covid, je suis passé au tribunal [du JLD, le 2ème jour de la rétention], dès 2 jours ils m’ont monté avec les autres. J’ai dit : « Pourquoi je passe pas dans le tribunal et tout ? » Il m’a dit : « Oui, t’as le covid et tout tatatatata. » J’ai passé 30 jours [de rétention] pour rien, j’ai pas vu le juge. J’ai même pas vu le juge sur la visio, sur la télé. Normalement si t’as le covid, si t’es malade, tu regardes le juge sur la télé, tu vois ? La visio ici, dans le CRA.
Q. : Et vous, vous avez des promenades ou pas ? [Au CRA de Nîmes, les prisonnières dans le bâtiment « familles » n’ont aucune promenade depuis des mois.]
B. : Les promenades elles sont sales. Ils les ont jamais nettoyées. On demande un balai pour que, nous, on nettoie, ils nous le donnent pas. Les chambres pour dormir, elles sont sales. On demandait des produits pour nettoyer : ils voulaient pas, jusqu’à que tout le monde attrape la gale.
Q. : Et concernant les violences des keufs, tu veux porter plainte ?
B. : Bah bien sûr. C’est pas moi tout seul. Il y a 100 personnes ici qui veulent porter plainte.
Q. : T’as demandé à Forum ?
B. : Forum, ils travaillent avec eux ! Ça fait une semaine que j’ai demandé frérot, mais ils voulaient pas me monter jusqu’à Forum tu vois ? Franchement c’est chaud. Des fois tu parles avec le Forum, ils disent : « Oui oui oui oui. » Après, y a rien. Ça fait un mois et demi que je suis ici, ça fait un mois et demi que j’ai réclamé, jamais de la vie ils m’ont fait un truc.
Q. : Et le CRA, est-ce qu’ils envoient des gens en prison ? Genre si tu refuses le test ou quoi ?
A. : J’ai eu deux tests. Le 3ème test normalement, il m’a dit, c’est : « Soit la prison, soit tu descends au bled. »
B. : Moi ils ont envoyé trois collègues à moi, marocains. Ils sont venus à 3 heures du matin : PAM PAM PAM ! [sur la porte] Ils les ont menottés, et scotchés, puis au bled sans test, sans rien.
Q. : Sans test ?
B. : C’est eux qui trafiquent le test. Le test il l’a pas fait, le vaccin il l’a pas fait… Scotché, menottes et bled ! Imagine, ils ramènent quelqu’un à 3 heures du matin, tié ! Avec le scotch, menottes… ça c’est 1998 ! On est en 2022 là. On est en France là.
Q. : Et A., il voulait être au CRA de Lyon, et ils l’ont envoyé de force au CRA de Nîmes, pourquoi ils ont fait ça ?
B. : Bah je sais pas. Ils disent rien. Tu demandes tes droits… Ta femme elle vient en parloir pour te voir, ils disent : « Non, elle est pas venue. » Et moi je parle avec ma femme, elle était dehors ils voulaient pas la faire rentrer. T’as le droit de rien ! Ça fait une semaine qu’ils ont pas fait les bagages.
A. : Pas le droit de faire rentrer de gâteaux.
B. : T’as pas le droit de faire rentrer un truc pour manger de dehors. Ici leur travail on comprend rien du tout. Franchement tu parles pas comme ça ! Ils te parlent comme si nous on devait pas être en France là.
A. : C’est Marine Le Pen là.
B. : Le côté le 30, le Gard, tu comprends rien du tout. Nîmes, c’est une loi spéciale. Ok t’as pas le droit aux papiers et tout, mais dans le centre là, tu as le droit de demander un parloir, t’as le droit que quelqu’un ramène un truc pour manger, t’as le droit de sortir à l’hôpital parce que t’as la gale, t’as le corona, il y en a un il doit aller faire une opération, y a tout tu vois ? Eux ils disent : « Nan, t’as pas le droit. »
Q. : Ouais, les keufs ont l’air d’être durs à Nîmes, là.
B. : C’est un centre de merde à Nîmes. Je suis désolé, je parle comme ça, mais c’est un centre de merde.
A. : J’ai jamais attrapé la gale, j’ai attrapé la gale à Nîmes.
B. : Tout le monde est malade ! Tu rentres dans les toilettes, il y a pas d’eau, ça veut dire quoi ? Ma famille elle habite à Nîmes, à côté du centre, y a de l’eau. Ici, nous y en a pas. À l’heure du repas, ils ouvrent l’eau et à la fin du repas, ils ont arrêté l’eau. Ils font exprès t’as compris ? Le matin ils vont ouvrir de l’eau à 7h, et à 8h il y a arrêt de l’eau. Après, ils commencent à ouvrir de l’eau en milieu de journée, et à 13h30 il n’y a pas d’eau. Pour que tu ne fasses pas la douche.
A. : Pour que tu restes sale comme un chien.
B. : Les chiens ils sont mieux que nous, wollah. Je préfère la prison mille fois que ça. Ici, même pas t’as le droit de prendre un café ! T’as des sous, tu veux acheter un café, mais non. Une punition d’une semaine, 10 jours, 15 jours…
Q. : C’est dur comme ça dans tous les bâtiments du CRA ?
B. : Y a 4 bâtiments, y a 4 zones pareilles… non y a 5 zones : B1, B0, C1, C0, y a le A pour les femmes. Bah : tous pareil.Après nous on veut une solution, c’est mieux une solution qui est pas… Nous on ne veut pas un truc avec la police. Nous on veut pas un truc où on part pour faire de la prison pour rien, tu vois ? Je veux pas qu’il y ait un truc de mal, tu vois ? Ni pour moi ni pour quelqu’un d’autre ! Je veux pas niquer le centre complet. C’est mieux que tu trouves une solution… je sais pas comment t’expliquer. Vraiment c’est dur.
A. : Y a des gens, ils calculent pour le suicide.
B. : Il y en a déjà un, il a fait ça. Il est là ici, si tu veux tu parles avec lui. [Il passe le téléphone.]
C. : Oui allô ? Bonjour.
Q. : Comment ça va ?
C. : Ça va pas, ça va pas du tout. Ici, il y a toutes les maladies. Il y a le corona, il y a la gale, il y a des punaises de lit, des tiques. Ils nous traitent trop trop mal. Moi déjà j’ai fait deux tentatives de suicide. J’ai avalé 17 cachets avant-hier, j’étais en urgence et tout. Parce que c’est trop trop dur, c’est invivable. On demande le médecin il vient pas 5 jours. On demande les bagages, 5 jours on les a pas. Ils nous traitent comme des chiens. En plus, les repas et tout… on mange rien quoi.Je suis de Marseille moi, mais ils m’ont ramené à Nîmes. Je me suis fait arrêté à Marignane.
Q. : T’étais à l’aéroport ?
C. : Non non, j’étais pas à l’aéroport, j’étais avec ma fiancée. En fait, j’habite avec elle, ça fait 3 ans qu’on est ensemble. Et le voisin il a porté plainte comme quoi on faisait du bruit, parce qu’on a déménagé. Et je suis rentré du boulot et… Hier j’étais au cachot, en isolement, en caleçon, il n’y avait pas d’eau, il n’y a rien du tout. J’ai fait une tentative de suicide parce que j’ai demandé le médecin 5 jours, et moi je suis asthmatique, [dans mes bagages] j’ai pris la ventoline et en plus j’ai un autre médicament. Ils ont pas voulu me ramener mes médicaments. En plus il y a un policier qui a parlé mal. J’en peux plus. Je parle avec lui, je dis : « Il y a plein de punaises de lit, des tiques. » Il me dit : « Je m’en bats les couilles de toi avec tes punaises de lit. » Je lui dis : « Les punaises de lit je les ai pas ramenées de chez moi. C’est vos tiques, je les ai trouvées ici dans ma chambre. » Le médecin il m’a dit : « Non, je ne crois pas qu’il y a des punaises de lit. » J’en ai attrapé 4 ou 5, dans un flacon. Et quand je suis parti au médecin quand j’ai fait la tentative de suicide, j’ai ramené au médecin 5 punaises de lit. Il m’a dit : « Ouai, je vais voir qu’est-ce qu’on peut faire… »Il y a des gens qui ont le corona, il y a des nouveaux avec le covid, ils mettent les gens négatifs avec eux !
Q. : Ok. Et pourquoi t’étais au mitard, pourquoi t’étais en isolement là ?
C. : J’étais en isolement parce que j’ai fait la tentative de suicide. Ils ont dit c’est parce qu’il y a pas de caméra dans les chambres, en isolement y a des caméras…
Q. : Donc en fait c’est une punition en plus quoi ?
C. : Une punition en plus, ouais c’est ça. Je rentrais des urgences (ils ont rien fait, même la transfusion elle était pas mise), et après ils m’ont mis en isolement. J’ai pas mangé, ça veut dire j’ai pas mangé jusqu’au lendemain. En isolement y a pas d’eau, y a rien du tout.
Q. : Ok. Est-ce que tu veux rajouter d’autres choses ?
C. : Ouai, je veux dire autre chose. Je vais dire pour les trucs de vices de procédure. Parce que chaque fois on ramène des papiers, on ramène des preuves comme quoi on travaille, qu’on a un hébergement, qu’on a une vie familiale et tout. Ça fait trois ans qu’avec ma femme on est pacsé.e.s. Ils ont mis au tribunal que le PACS était pas enregistré. En plus ils ont mis dans le jugement que j’étais hébergé chez ma sœur à Paris. Moi j’ai pas de sœur, j’ai jamais été à Paris ! Même sur le papier du tribunal, je l’ai ici, ils ont mis que je suis né en 1973. Moi je suis né en 1987. J’ai parlé avec l’avocate commise d’office elle m’a dit : « C’est rien ça, c’est une faute de frappe. » C’est pas pareil. La faute de frappe 1967, y a pas de souci. Mais la faute de frappe qui me dit que j’ai pas un domicile fixe, c’est pas une faute de frappe, c’est un vice de procédure.
Q. : Et la commise d’office elle est complètement du côté du procureur quand elle dit ça ?
C. : C’est ça. Ils sont tous ensemble. Même Forum, ils travaillent avec la police. C’est eux qui ont gardé mes papiers. Ils m’ont pas passé les papiers pour que…Moi j’ai fait 2 tentatives de suicide. La première fois, j’ai fait la grève de la faim, grève de la soif. J’ai les preuves : 4 jours j’ai pas mangé, et 3 jours j’ai pas bu de l’eau. J’étais aussi dans le centre de Nîmes. Après ils m’ont amené ils m’ont mis en isolement pareil. J’avais faim, soif, j’avais pas la ventoline et tout. J’ai fait une crise là-bas. Après ils m’ont ramené dans la cellule. Ils m’ont dit : « Prends un sucre et dors ». Et voilà.
Q. : Ok, dur. Et tu disais, Forum Réfugiés, ils ont gardé tes papiers pour t’empêcher de pouvoir te défendre ?
C. : Ça faisait 3 jours que je demandais à Forum Réfugiés pour prendre mes papiers, parce que j’avais un jugement [devant le JLD]. Je leur dis : « C’est après-demain. » Ils me disent : « Ok, t’es sur la liste, t’es sur la liste. » Chaque jour j’appelle, ils me disent que je suis sur la liste. Et je suis parti comme un con devant le juge. À 8h, j’ai demandé Forum, ils m’ont dit : « Non, c’est fermé, ils ouvrent à 10h. » J’ai dit : « Comme ça je vais aller devant le juge sans justificatif de domicile ? J’ai un CDI, j’ai 23 fiches de paie. »J’ai 45 jours là. J’ai perdu 16 kilos déjà. Voilà.Et quand ils viennent pour ramener quelqu’un pour l’avion, ils viennent sur nous. Ils sont venus, et ils se sont mis à 4 sur sa tête. Ils l’ont mis par terre. Après il est parti. Il a refusé le test, il est parti sans test quand même.
Q. : C’était vers quel pays ?
C. : Tunisie.
Q. : Est-ce qu’il y a d’autres choses que tu veux transmettre ?
C. : Ouai,s à part les punaises de lit, la gale et tout. En plus on mange mal. Y a beaucoup de vices de procédures. Ils font exprès pour renvoyer les gens. En plus c’est trop sale ici, c’est dégueulasse. Ils nettoient pas les chambres. Les policiers nous parlent mal. On mange trop trop mal, même pas 100 grammes ! Il y a des gens qui ne mangent pas la viande, la viande pas halal, il y a un collègue, le policier il lui a dit : « C’est pas halal ? Je m’en bats les couilles, pourquoi tu viens en France alors ? »Moi avant-hier j’étais en urgence et hier j’étais en isolement. Ils ont coupé l’eau. La moitié d’un matelas en mousse, et pas de couverture ni rien du tout. Ils ont même enlevé mes claquettes en plastique. Je vais faire quoi avec des claquettes ? Je suis resté en slip 24 heures, jusqu’au lendemain. Sans rien du tout. Pieds nus, avec un caleçon. J’ai pris 18 cachets, je sais même pas j’ai pris quoi. Ils m’ont fait ni médicament ni rien du tout. J’avais trop mal au ventre, j’ai froid, j’ai faim. Du midi jusqu’au lendemain matin. J’ai crié, j’ai tapé à la porte. En plus, en isolement la porte c’est comme les portes de frigo. Y a une porte t’ouvres une chambre derrière.
Q. : Les gens sont souvent envoyés au cachot comme ça ?
C. : Ouai il y a beaucoup de gens. Ils te parlent mal, si tu réponds ils te ramènent au cachot.
Q. : Ok. Tu veux encore rajouter un truc ?
C. : Nan ça va. Il y a quelqu’un qui veut parler. Tu veux parler toi ? [Il passe le téléphone.]
D. : Oui bonjour monsieur.
Q. : Bonjour.
D. : Je voudrais savoir juste un truc. Pourquoi j’ai pas le droit de voir mon fils ? Moi je sors de détention, j’ai pas eu de parloir quand j’étais en détention. J’ai même pas eu des habits vous voyez ? Donc je sors de détention, ils m’ont ramené ici, j’ai pas vu mon enfant, ça fait 8 mois. Il y a ma sœur elle l’a ramené de Lyon jusqu’à ici, ils ont dit que les enfants ont pas le droit de rentrer. Ça veut dire pourquoi ma sœur elle vient de Lyon pour ramener mon fils, vous voyez ce que je veux dire ? Franchement, je voulais faire des trucs de fou. J’ai des lames sur moi, je voulais les manger et tout. Ils voulaient me faire charcler, parce que pourquoi j’ai pas le droit de voir mon fils alors que ça fait 8 mois ? Moi je suis là, mon cœur il est cramé pour mon fils et là, quand il vient devant le centre de rétention ils le laissent pas rentrer. Est-ce que vous trouvez ça normal monsieur ?
Q. : Bien sûr que non.
D. : J’ai pas le droit de voir mon fils ? C’est qui ? La Justice elle m’a pas interdit de voir mon fils. Mais la PAF là [la Police aux frontières], elle est en train de m’interdire de voir mon fils. Je vous jure, j’ai rien demandé, j’ai pas demandé un autre truc. Je voulais juste voir mon fils. Aujourd’hui, je suis là, je mange 9 médicaments pour dormir tellement je pense à mon fils. Je pense tout le temps à mon fils. Moi je leur ai ramené un certificat comme quoi je mange la Pregabaline, mais ils me les donnent pas. Ils me disent : « Ça on n’a pas ! » Ils me donnent d’autres médicaments pour me rendre légume. Pour que je parle plus, comme ça je suis calme. Vous voyez ce que je veux dire ? J’ai essayé de manger ce médicament et je me suis retrouvé comme un légume. En fait je faisais que dormir. Je me lève, je suis fatigué, je dors et c’est pas ça le but. Moi le but c’est d’enlever mes douleurs : j’ai un bras que je peux pas ouvrir. Donc je suis obligé de manger la Pregabaline j’ai des douleurs. Ils me donnent des médicaments qui ont rien à voir. Je les mange même pas je les jette aux toilettes. J’en ai plein là, j’en ai plein dans l’enveloppe, je les mange même pas. Ils me donnent des trucs qui vont me rendre légume.Il y a des gens ici, ils ont le covid. Et nous on a fait le test on n’a pas le covid et on est avec eux, quand même. Le 1er jour je suis rentré, ils m’ont dit : « T’as le covid. » 2 jours après ils m’ont dit : « T’as pas le covid. » Est-ce que le covid il reste 2 jours monsieur ? Eh ben ils m’ont fait ça moi. J’étais malade, ils m’ont ramené à l’isolement ! Un malade on le ramène pas à l’isolement, on le ramène à l’hôpital ! Moi ils m’ont mis à l’isolement, ils m’ont enfermé, ils me donnent pas de clopes, ils me parlent pas, ils me laissent pas fumer. Rien du tout. J’ai le droit à rien. Moi j’étais pas malade, je savais très bien que j’étais pas malade. Mais même si j’étais malade, est-ce que j’ai pas le droit de fumer ? Est-ce que j’ai pas le droit de promenade ? Ils m’ont pas sorti en promenade. Ils m’ont rien fait. Ils m’ont enfermé pendant 3 jours. Le 4ème jour je suis sorti du cachot.Mais c’est pas par rapport à ça que je suis en train de vous parler. C’est juste par rapport à mon fils. Moi je veux voir mon fils. Pourquoi ils m’interdisent de voir mon fils ? Je peux faire comment pour voir mon fils ? Je m’évade ? Je fais quoi ?Et Forum Réfugiés ils font rien. Moi j’ai parlé avec eux. On m’a envoyé des documents. Ça fait 4 jours. J’ai fait un malaise, je les ai pas appelés, et eux ils m’ont pas appelé pour me dire : « T’as des documents. » Et ils m’ont pas appelé. Pourquoi ? À chaque fois quand je les appelle, ils me disent : « On a du monde. » Mais si vous avez du monde, gérez votre truc si on est là ! Vous savez rien faire. Vous êtes là, mais vous me dites : « J’ai trop de choses à faire. » Franchement c’est la misère ici, c’est la misère. On n’a pas le droit d’avoir des gâteaux, on n’a pas le droit d’avoir de la boisson. On est des retenu.e.s quand même, on n’est pas des détenu.e.s.
Q. : Après, pour les détenu.e.s aussi, ça justifie pas de faire ça.
D. : Ouais, mais moi j’étais en prison, j’avais des gâteaux, je mangeais bien. J’avais tout, euh enfin… Mais là on ramène des gâteaux, on refuse de faire rentrer des gâteaux. Pourquoi ? Pourquoi j’ai pas le droit de faire rentrer des gâteaux ? Chais pas. Pourquoi j’ai pas le droit de voir mon fils ? Chais pas. Pourquoi j’ai pas le droit d’avoir mes médicaments ? Chais pas. Pourquoi on a la maladie ici et ils gèrent rien ? Chais pas. Y a toutes les maladies ici et ils gèrent rien. Et on trouve pas ça normal. Les surveillants ils nous disent : « On s’en bat les couilles. » On est en France quand même. En Algérie ils nous traitent pas comme ça, on a des policiers c’est des bâtards, désolé si je le dis. Mais ici, c’est des pires ! Franchement aujourd’hui je suis en train de virer, je sais pas ce qu’ils veulent de nous.Après voilà… On a un mec il souffre de la gale. Il a des traces et tout. Je suis désolé, il a la gale. Vraiment. Mais ils lui ont pas donné de médocs, rien. Ils lui ont dit : « Ça c’est rien, ça va passer. » Même à l’hôpital ils l’ont pas fait sortir. Le mec il a le genou cassé, ils lui ont cassé son genou. Ils veulent pas le faire sortir à l’hôpital comme ça il peut pas faire de certificat et porter plainte contre eux. Je connais la loi, je sais très bien comment ça se passe. Y a un collègue à moi, il est là devant moi, il a mal aux dents. Depuis tout à l’heure il demande le médical. Il demande juste un Doliprane ou chais pas quoi, ils lui ont dit non. « Toi, parce que tu parles mal, on va pas te donner. » Mais c’est normal que tu parles mal ! Depuis 8h du matin il demande le médecin, à 14h30 tu lui dis : « Tu parles mal. » C’est normal que la personne est en train de péter les plombs, parce qu’elle a mal aux dents !Voilà… on vous a tout raconté.