Fausses dates de vol, faux refus de test, faux refus d’embarquer au CRA de Marseille

Les mensonges des keufs envoient en prison les personnes retenues dans le centre. Par exemple, l’une d’elles explique dans cet article comment les keufs ont entièrement inventé son refus d’embarquer à bord d’un avion, ce qui pourrait la conduire à faire de la prison.


Dans tous les centres de rétention administrative (CRA), il arrive régulièrement que le juge des libertés et de la détention (JLD) et la police aux frontières (PAF) mentent sur les dates de vol d’avion, à bord desquels doivent être expulsées les personnes enfermées dans le centre. Le JLD est chargé dans le CRA de prolonger la durée de la rétention de chacune de ces personnes, mais pour ce faire, surtout après 2 mois de rétention déjà écoulés, il doit en principe prouver que l’État cherche activement à les expulser. Il arrive donc que des faux billets d’avion (ex : avions inexistants) soient évoqués pendant une audience de JLD.


Depuis le printemps 2020, un test PCR négatif est une condition nécessaire à l’expulsion en avion d’une personne retenue : nombreuses sont les personnes qui les refusent pour ne pas être expulsées. Mais les refus de tests amènent très souvent à des poursuites pénales, et à des peines de prison. La PAF, de son côté, invente alors elle aussi des fausses dates d’expulsion en avion pour volontairement pousser les retenu.e.s du CRA à refuser le test et donc à se retrouver en prison. Ces pratiques de la police sont fréquentes dans beaucoup de CRA en France.
Plus récemment, la PAF du CRA de Marseille semble aussi s’être mise à une autre pratique : l’invention de faux refus de tests PCR. Autrement dit, certaines personnes enfermées dans le CRA sont parfois condamnées à des peines de prison pour des tests dont elles n’ont jamais entendu parler et qu’elles n’ont jamais refusés, même si elles sont poursuivies pour ça ! Au début du mois de mars 2022, un prisonnier du CRA de Marseille, qui ne supportait plus d’être enfermé, disait préférer être expulsé le plus rapidement possible. Pourtant, aucun vol en avion ni même de test PCR ne lui ont été proposés, sauf qu’à la fin du 30ème jour de sa rétention, lorsqu’il est passé devant le JLD, il a découvert que les keufs de la PAF avaient inventé des faux refus de test PCR pour lui sans en avoir été informé.
Enfin, plus récemment au début de ce mois de mai 2022, la PAF du CRA de Marseille invente aussi des faux refus d’embarquement dans les vols d’expulsion, alors que ces refus conduisent à des poursuites pénales  (« soustraction à une mesure d’éloignement »). Nous reproduisons ci-dessous le témoigne d’un prisonnier au CRA de Marseille. Il y explique que les keufs ont inventé un faux refus d’embarquement contre lui, juste en lui faisant faire un aller-retour entre le CRA et l’aéroport de Marignane sans qu’il n’ait vu l’avion ni exprimé son refus d’embarquer à bord.


[English version below]
Bonjour
Je suis allé au tribunal [devant le Juge des libertés et de la détention, JLD] aujourd’hui mais le juge a prolongé ma rétention de 28 jours supplémentaires. J’ai la possibilité de faire appel de cette décision dans les prochaines 24 heures. Je n’ai pas les moyens de faire appel car le bureau d’aide aux réfugiés de mon centre de rétention [Forum Réfugiés] ne travaille pas le dimanche.
Le juge a dit que je resterais en rétention jusqu’au 7 juin, et que j’ai le droit de faire appel du jugement. Je n’ai pas confiance dans les avocat.e.s du gouvernement [commis.e.s d’office], car je pense qu’ils et elles ne font pas grand chose pour moi. On m’a reproché pendant le jugement d’avoir refusé d’embarquer à bord de l’avion, mais ce n’est pas ce qu’il s’est passé.
Début avril, je me suis rendu à la préfecture sur rendez-vous, mais j’ai été arrêté. Le préfet a dit que j’étais arrêté parce que j’étais en procédure Dublin. Le préfet a également dit que j’avais le droit de faire appel de la décision de renvoi en Italie. Après avoir été reconduit au centre de rétention, j’ai demandé un.e avocat.e pour faire le recours, et on m’a conduit à une organisation d’aide aux migrant.e.s au centre de rétention [Forum Réfugiés]. Je leur ai expliqué que je ne refusais pas d’aller en Italie, mais que je souhaitais savoir si l’Italie était en mesure de traiter ma demande d’asile, et si je pourrais être soigné à mon retour en Italie puisque je suis malade. L’organisation a accepté et m’a dit qu’elle écrirait au juge pour lui demander de suspendre mon renvoi en raison de ma maladie, mais je n’ai reçu aucune réponse de leur part.Le lendemain, le 9 avril, la police m’a dit que je devais passer un test de dépistage du coronavirus pour pouvoir être transféré en Italie. J’ai accepté et j’ai fait le test. Après le test, j’ai demandé pourquoi je devais être renvoyé étant donné que j’avais un appel le jour suivant. La police m’a répondu que ce n’était pas un problème, que ce que je devais faire était de les suivre à l’aéroport le lendemain matin, et que lorsque j’arriverai à l’aéroport, je rencontrerais l’officier de l’immigration à l’aéroport pour lui expliquer cela.Le lendemain matin, on m’a emmené à l’aéroport mais je n’ai jamais parlé à un agent de l’immigration. La police m’a enfermé dans une cellule à l’aéroport [probablement dans un local de rétention administrative, LRA] et après environ une heure, elle m’a ramené au centre de rétention.
Maintenant, ils m’accusent au tribunal d’avoir intentionnellement refusé d’embarquer dans l’avion. Je vais aller au tribunal demain pour faire appel. Je suis malade et même le médecin de la rétention a un rapport à ce sujet, mais ce n’est jamais pris en compte. Je n’ai pas d’argent pour prendre un.e avocat.e privé.e et je ne pense pas que l’avocat.e du gouvernement sera en mesure de me faire sortir. Ici tout est réglé d’avance comme dans un jeu.


[Traduction française ci-dessus]
Good morning
I went to court [before the Juge des libertés et de la détention, JLD] today but the judge prolonged my detention to extra 28 days. I was given the option to appeal against it within the next 24 hours. I don’t have a means of lodging the appeal because the office of the refugee assistance here in my detention center [Forum Réfugiés] don’t work on Sundays.
The judge said I’ll remain in detention till June 7th and I have the right to appeal against the judgement. I don’t have confidence in the government lawyers because I think they are not doing much on my behalf. They said I refused to board the plane but that’s not how it happened.
On the 8th of April I went to prefecture on appointment only to be arrested. The prefect said I am been arrested because I am under the Dublin procedure. The prefect also said I have the right to appeal against the decision of removal to Italy. After I was driven to the detention center I requested for a lawyer to make the appeal and I was taken to an organization helping migrants at the detention center [Forum Réfugiés]. I explained myself to them, saying that I don’t reject going to Italy but I wish to know if Italy will be able to handle my asylum and also if I’ll be able to get treatment when I return to Italy because I am sick. The organization agreed and told me that they will write to the judge to tell to suspend my removal due to the sickness but I got no reply from them.The next day been 9th of April the police told me that I have to take coronavirus test so that I’ll be able to be transferred to Italy. I accepted and took the test. After the test I asked why should I be removed since I have appeal the next day? The police said that’s no problem, that what I have to do is follow them to airport next morning and when I get to airport that I meet the immigration officer at the airport and I’ll explain to him and I agreed.The next morning I was taken to the airport but I never say or spoke to any immigration officer. The police locked me in a cell at the airport [probably in a local de rétention administrative, LRA] and after like 1 hour they drove me back to the detention center.
Now they are charging me to court that I intentionally refused to board the plane. I’ll be going to court by tomorrow for appeal. I am sick and even the detention doctor have a report on that but it isn’t taken into consideration. I don’t have money to get a private lawyer and I don’t think the government lawyer will be able to get me out. Everything here seems to be a game plan.