Prise de parole anti-carcérale sur Sainte-Soline

Le choix de la répression par la violence à Sainte-Soline est ici totalement assumé par le gouvernement, il lui suffit pour cela de prétendre dans les médias que c’était le rassemblement qui était violent. On se souvient que Darmanin avait déjà parlé d » »écoterrorisme » lors du rassemblement contre les mégabassines en novembre dernier.

Ce retournement du discours pour légitimer la violence est systématiquement mobilisé par l’État quand il a besoin de se justifier. A chaque fois qu’un keuf tue une personne, l’État utilise sans trop de problèmes le racisme, l’islamophobie, le soi-disant « ensauvagement » des quartiers, une dangerosité fantasmée de la personne tuée, comme si elle avait mérité de mourir. 

Dans la plupart des cas de violences d’État, celles dont on parle le moins, l’État n’a même plus besoin de se justifier. La violence est par principe légitime à tout moment contre des gens que l’on peut présenter comme des monstres. Lorsqu’un prisonnier ou une personne déjà exclue de la société est tuée par des matons ou des keufs, l’État ne mobilise même plus ce discours.

Ces violences sont permanentes et quotidiennes contre les personnes racisées, contre les personnes sans-papiers, contre les prisonnières et les prisonniers. Il n’existe pas un seul centre de rétention, pas une seule prison où les keufs ou les matons ne sont pas violents, au quotidien. Des dépôts de nourriture interdits en cette période de ramadan au centre de rétention de Marseille, jusqu’aux tabassages, fouilles à nu, transferts disciplinaires et mise au mitard comme c’est le cas aux Baumettes fin janvier, les violences d’État sont, ne l’oublions pas, permanentes en prison.

Comme le montre le week-end à Sainte-Soline, un manque de soins organisé par l’État peut mettre quiconque en danger de mort. En prison, en centre de rétention, les soins décents n’existent pas et n’ont jamais existé. Il ne s’agit pas d’une absence de soins, mais d’un refus de soigner, un choix volontaire de laisser mourir. Le refus de soigner est une violence d’État. Et en prison, la violence est quotidienne. Qu’est-ce qu’un quartier d’isolement si ce n’est de la torture blanche ? Que dire des conditions de détention en régime 41 bis en Italie, dans lesquelles l’État italien est en train de laisser mourir Alfredo Cospito (en grève de la faim depuis plus de 5 mois), sans parler de violence légale, institutionnelle ?

La police et la Justice fonctionnent ensemble. Le taf des keufs consiste à tuer, à faire peur, ou à arrêter des gens pour les mettre en prison. Les tribunaux consistent à faire peur à tout le monde dehors, à condamner les gens à des peines de prison, parfois à des peines jusqu’à la mort. En ce moment, le gouvernement demande aux keufs d’intensifier la violence et les arrestations dans les manifestations, pour faire peur et que la mobilisation se réduise. 

L’État élargit sa répression au mouvement social en ce moment, mais cette violence et ces arrestations ne sont pas nouvelles, elles touchent une population qui est déjà massivement enfermée et qui est appelée à l’être encore plus (comme le prouvent les constructions de nouvelles prisons, par exemple en ce moment à Marseille avec les Baumettes 3, au nord de Nîmes, près d’Avignon à Entraigues-sur-la-Sorgue, ou dans le Var au Muy).

L’État tente de plus en plus de légitimer la répression de tout ce qui ne représenterait pas les « valeurs de la République », pour ne pas dire les valeurs de l’État. La loi séparatisme de 2021 a engagé un processus de dissolutions de groupes étiquetés anti-républicains les uns après les autres : le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), la Coordination contre le racisme et l’islamophobie en France (CRI), il a essayé aussi contre le Groupe antifasciste Lyon et environs (GALE), Nantes révoltée ou encore le Collectif Palestine Vaincra (CPV). L’annonce de la dissolution des « Soulèvements de la terre » par Darmanin mardi fait partie de ce point de bascule. D’ailleurs, c’est ce même prétexte du respect des « valeurs de la République » que Darmanin brandit pour justifier l’enfermement massif en CRA et l’expulsion des personnes sans-papiers (c’est déjà le cas et la loi Darmanin à venir ne fera que le renforcer), ce même prétexte aussi qui permet à n’importe quelle préfecture de couper les subventions à une association qui ne lui plaît pas.

Sainte-Soline illustre le durcissement sécuritaire actuellement en cours, qui repose fondamentalement sur la violence : les violences policières, et avec elles les violences pénitentiaires. On sait que l’on n’a rien à attendre de la police ni de la Justice, si ce n’est la violence, la mort, la peur, des peines de prison et tout un tas de galères.

Lu au rassemblement contre les violences policières, jeudi 30 mars 2023 devant la préfecture de Marseille