Les témoignages sur lesquels se basent cet article qui sont retranscrits ci dessous sont disponibles au format audio dans l’émission de la courte échelle du dimanche 02/11/2025 dont on peut retrouver le podcast sur le site radio galère ici : https://radiogalere.org/emission/la-courte-echelle/la-courte-echelle-du-02-11-25
Deux grèves de la faim se sont enchainées cette fin de mois d’octobre au centre de rétention. Une première portée par 5 personnes, qui a duré quelques jours mais qui a finit par s’arréter faute de répondant et de considération de la part de la Police aux frontières (paf) qui gère le centre de rétention. Les personnes en grèvent de la faim dénnonçaient leurs conditions d’enfermement, en particulier le fait que les flics refusent d’arréter la clim alors qu’il fait froid.
Une deuxième grève de la faim est repartie la semaine suivante suivie par beaucoup plus de monde, toujours dénnonçant les conditions globales, impliquant la clim, mais également pour protester contre le refus des dépots de gateaux et de clopes pas chères (d’autre pays), alors que jusque là on pouvait en amener lors des parloirs. Cette deuxième grève de la faim a commencé jeudi 30 octobre au matin. Les témoignages ci dessous on été enregistrés le vendredi 31 octobre au soir, personne encore n’était retourné manger.
Les conditions décrites dans les témoignages qui suivent correspondent à ce qu’ont toujours décrit les prisonniers du CRA du Canet :
– La bouffe dégueulasse, les régimes alimentaires pas toujours respectés. – Les conditions matérielles de la rétention dépendent beaucoup de ce que les proches peuvent amener : des vêtements ou du cash pour acheter des choses à l’intérieur par exemple. Mais beaucoup de détenus ont été ramenés depuis d’autres villes et n’ont pas de proches sur Marseille voir pas en France et donc manquent énormément de tout ça. Et même lorsque des proches font le déplacement, un retard peut coûter une annulation de parloir. – L’accès à la santé aussi est un gros enjeux : un seul docteur dans tout le CRA qui n’est pas toujours là et pas toujours disposé. Très peu sont escortés jusqu’à l’hôpital même lorsque ce serait nécessaire, et lorsque les détenus appellent les pompiers ils refusent de venir sans l’accord des gradés. Très peu de produits d’hygiène leur sont donnés, même pas de papiers toilette. – Les flics sont intervenus comme souvent équipés et casqués pour mater la révolte car certains prisonniers ont caché des caméras (sans mêmes les casser). Outre la répression violente lors des moments de protestation, les flics ne daignent réponde à aucune demande, et sont parfois menaçant. Ces témoignages racontent qu’ils ont notamment été agressif envers les prisonniers qui faisaient la prière. – La répression est aussi juridique : les condamnations au pénal pour révolte dans le CRA sont très vite arrivées et les personnes sont rapidement emmenées en prison. – Les prisonniers disent aussi que les cafés sont cachetonnés, que les multiples grillages au dessus de la cour de promenade empèchent de voir le ciel, qu’il sont beaucoup, deux trois par cellules, et ils rappellent que contrairement à la prison, il n’y a aucune activité en CRA.
témoignage 1 (plusieurs témoignants)
( R est le camarade de la radio qui recueille les témoignages des grévistes. D,H,T,M et W sont les grèvistes qui témoignent depuis le CRA)
D : Vous savez y’avait des grèves parce que y’avait un peu des histoires, on mange pas bien du tout. Et voilà les gateaux qu’on a recu encore c’est interdit, c’est pas normal quand même. Même les cigarettes aussi, mais les cigarettes c’est cher ici, on a pas les moyens mon frêre, qu’est ce qu’on va faire alors? Et du coup aussi on dit qu’il y a des infirmières mais il y a pas de docteur. Tu demandes un docteur, c’est difficile pour voir un docteur. Y’a des gens qui sont malades ça peut contaminer quand même, c’est un peu compliqué. Y’a rien comme activité, on est là seulement à trainer dans le couloir. Y a rien qui marche, la vérité.
R: Y’a rien qui marche ?
D: Y a rien qui marche. Ça ne va pas, la vérité. Si t’as un problème, t’as besoin de fumer, tu vas crier jusqu’à deux heures, trois heures du tam, tu ne vas pas avoir un coup de main, tu vois.
R: Vous êtes beaucoup en ce moment au centre de retention?
D: Ouais ouais ouais on est beaucoup, on est beaucoup, on est beaucoup.
R: Tous les batiments sont remplis?
D: Dans cet peigne [non des batiments du cra] y’a 30 personnes.
R: Ok.
D: Faut dire ça, que c’est des racistes. Même, ils embêtent pour les prières. Ça les embête eux, tu vois.
R: Attends, répète ce que tu viens de dire.
D : Pour les prières, ça les embête eux. Même des fois, ils envoient les gens : Allez, montez, mangez, mangez. Mais si c’est l’heure de prière, ça va pas avant les prières.
R: Quand c’est l’heure de la prière, ils s’en foutent, ils veulent que vous montiez quand même, ils mettent la pression?
D: Ouais, ouais, ils s’en foutent. Ici ils respectent pas les règles de la prière, mon frère. C’est dommage, quand même.
R: C’est pas normal.
D: La police fait rien. Il font les voyous devant nous ici comme ça, ils font rien. Ils sont venus avec des matraques, avec…. je ne sais pas, moi-même, j’avais trop peur.
T: Tu vois, il y a des gens qui ont trop peur parfois.
D: Et ouais, moi, j’ai traumatisé, tu vois. Moi, vraiment, j’étais trop peur, trop peur. Hier, le fait que ca c’est passé hier, on n’a pas mangé parce que tout le monde était en colère. Et voilà, comme ça, on est restés. Même aujourd’hui, on en est là. Aujourd’hui, on va faire une grève.
R : Vous faites la grève, vous avez pas mangé depuis hier matin, c’est ça ?
D : Ouais. Aujourd’hui, encore, on va essayer de faire grève.
H : Même on a demandé des pompiers, déjà, ils les ont pas appelé. Ils peuvent pas rentrer dans le CRA sans l’accord du CRA. Le gradé du cra.
T: On n’a rien fait. Rien du tout. On n’a pas voulu manger, c’est tout. On n’a pas voulu manger ils sont venus à plusieurs, avec des casques, des matraques. Ils cherchent la merde. Eh ouais. Là, il y a tout le monde qui capte.
D : Tu as vu, ça commence déjà. Nous, on est en train de parler.
T: Il y a un bordel, ça tape dans tous les sens. Y a pas de parloir, y a pas de cigarette, y a pas de gâteau. C’est vraiment la merde.
R: Il y a encore des parloirs, mais ils laissent plus rentrer les clopes et les gâteaux, c’est ça ?
T: Tout, ils bloquent tout, même les gâteaux. Il y a même l’association, elle est venue voir des gens qui ont personne ici. Ils ont pas laissé les .?.?. rentrer.
Il y a quelqu’un d’autre qui va témoigner.
M: S’il vous plaît, monsieur.
R: Ouais.
M: Ça fait presque deux mois que je suis là. Ici, il n’y a rien. Qui peut nous convaincre, nous ? Il n’y a pas d’infirmière. Infirmière, il y a, mais il n’y a pas de médecin. Le médecin, c’est impossible de le voir. Vous comprenez ?
R: Oui, je comprends.
M: Il y a beaucoup, beaucoup de choses, chef.
R: Il y a beaucoup de malades ?
M: Ils sont tous comme malades presque, ils sont tous malades. Mais ils demandent voir le médecin. Moi, je suis malade, je parle à un médecin. Et le médecin là, il t’envoie pas à l’hôpital. Est-ce que ça, c’est normal ?
R: Bah non, c’est clair.
M: Dans un pays comme France, au pays de droit, pays de liberté, pays de tout, tu peux pas te soigner. Même en prison, on te soigne. En prison, tu imagines ? Il y a pas les moyens pour se soigner. Y a rien, y a pas d’oxygène, y a rien, ils donnent rien. Même pas de savon, des petits savons, ça sert à rien pour se doucher, monsieur.
R: Ils donnent pas de savon, pas de brosse à dent, pas de papier toilette ?
M: Une brosse à dent pour trois mois. Un petit savon, ils donnent un petit savon, ça te fait même pas la douche.
R: En fait, ils donnent un kit d’hygiène quand vous rentrez, après, ils donnent plus rien?
M: Ils te donnent de temps en temps, comme ça. Tu te démerdes comme ça. Et puis, il te donnes des cafés, ils mettent les médicaments dans le café. Pour vous dire la vérité, monsieur, moi, j’ai réclamé ça, je suis un buveur de café, et j’ai dit : J’ai jamais bu un café comme ça. C’est incroyable. À manger, c’est une autre chose. Venez ici pour voir ce qui se passe ici. Nous on fait des blocages. Ici, on bloque.
T: Voilà, comme vous avez parlé ce matin, il y a des gens qui bloquent et qui vont rentrer en prison pour rien.
R: Vous bloquez quoi ? Vous bloquez les… ?
M: Je dis en exemple, si on fait un blocage, si on fait un blocage pour revendiquer quelque chose, on y va en prison. Ça veut dire qu’ici, on n’a pas le droit de rien.
R: T’as aucun droit et si tu protestes, ils t’emmènent.
M: Ouais, t’as vu ? Un pays de droit comme la France, c’est impossible, incroyable.
R: Et les produits d’hygiène, ils les laissent rentrer au parloir ou pas non plus ?
M: Les produits d’hygiène… Ils te donnent même pas de papier toilette. Le kit hygiène comme il faut, ils te le donne même pas. Papier toilette, un petit savon, un petit shampoing, tu te douches une journée, après, tu vas te démerder de gauche à droite pour être bien propre, tranquille. Est-ce que c’est normal ? Dans un pays de droit comme la France.
R: Bah non, c’est pas normal, t’as raison. Vous avez raison de bloquer.
M: On fait pas de blocage, mais on revendique. On revendique certaines choses, mais eux, ils veulent pas comprendre. Comme c’est la police, ils comprennent pas. La prison, c’est mieux que ici, mille fois. Ici, t’es dans une prison. Il faut que vous veniez ici, voir ce qui se passe ici.
T: On n’a pas le soleil. Il y a pas de soleil, c’est couvert maintenant.
R: Parce qu’il y a le grillage?
M: On ne respire pas comme il faut. Je vous dis la vérité, il faut que vous venez voir ce qui se passe ici. On peut rien revendiquer, Monsieur.
T: Voilà, monsieur, un autre témoignage.
W: Bonsoir, monsieur. Ça va ?
R: Oui, ça va.
W: Voilà, monsieur. Même les activités, monsieur. Même les activités. Il y a rien. Il y a rien.
R: Il y a aucune activité ?
W: Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de menaces pour les Algériens. Il y a beaucoup de menaces.
R: Tu veux dire la police, elle est plus agressive avec les Algériens ?
W : Eh oui. Il y a beaucoup de menaces. Il y a beaucoup de menaces. Demande sel, il n’y a pas. Demande brosse à dent, il n’y a pas. Demande quelque chose, il n’y a pas, il n’y a pas, il n’y a pas. Il y a l’essentiel de la merde, de la merde, de la merde.
T: Voilà, il y a les repas maintenant, mais nous on est pas montés, on n’a pas mangé.
R: Ce midi, toute la journée, vous avez pas mangé non plus, c’est ça ?
T: Non, on n’a pas mangé. Depuis hier.
Témoignage 2
(discussion un peu plus longue avec un des détenus)
R: Tu veux nous raconter ce qu’il s’est passé un peu ces derniers jours?
A: Oui, ces dernier jours, bah je commence par la grève de la faim parce que y’a 5 personnes qui ont fait une grève de la faim pendant 6 jours. Et après, eux ils font quoi, ils donnent les plateaux des gens aux autres comme ca ils déclarent pas les gens qui font la grève de la faim. Et y’avait des incidents, hier ils sont rentrés avec des boucliers, des casques, des matraques et tout.
M: Ils ont dit qu’ils s’en battent les couilles si on fait la grève ou pas, l’essentiel ils vont enlever les gateaux, ils rentrent plus au parloir et ils veulent qu’on prenne les cigarettes de la France. Un paquet de cigarettes c’est 13euros maintenant, on est pas des ministres nous. Acheter un paquet à 13euros pour le fumer en 2h.
R: Ils voulaient plus faire rentrer les cigarettes de contrebande, ils voulaient que les cigarettes cheres?
M: Mais nous on a pas pour acheter ça
R: Bah ouai normal, et les gateaux, ils voulaient plus faire rentrer les gateaux?
M: Deja y’a plus rien depuis le 28, y’a plus rien qui rentre. Deja avec 2 paquets de gateaux, on est pas contents.
R: Ca fait combien de temps qu’ils font ça? Qu’ils laissent plus rentrer les gateaux?
M: Depuis le 28
R: Et du coup hier vous vous etes dit ca suffit et vous avez commencé une greve de la faim?
M: On a dit ca suffit et personne n’est monté pour manger, on est restés tous dans la cour et on a fermé les caméras et ils ont même pas voulu chercher à savoir, ils sont cash venus au rapport de force, ils sont venus avec des boucliers, des matraques… des insultes, ils nous traitent de tous les noms quoi.
R: Parce que vous aviez juste cachés les caméras et ils sont venus armés quoi?
M: C’est juste ça, c’est juste ca. meme vous pouvez leur demander si on a cassé un truc ou vous pouvez venir voir si on a cassé un truc. Y’a rien qui est cassé, tout est neuf ici on a rien fait, eux ils ont rien des produits d’hygiene, ils sont venus cash pour faire la violence avec nous
R: Et ils ont voulu faire quoi? ils on voulu vous faire rentrer dans les batiments?
M: Rentrer carrément dans les batiments. Y’a des gens qui etaient en train de faire la priere ils voulaient pas, ca les a cash tabassé et ils disent non c’est interdit c’est la loi, c’est la loi, c’est pas à vous de décider, vous mangez pas on s’en fout mais cachez pas les cameras, fermez pas les cameras. Vous mangez pas, mangez pas. Eux ils s’en foutent, eux deja quand on fait une greve de la faim ils declarent pas.
R: Vous avez deja fait une greve de la faim la semaine derniere…
M: Oui, oui. la semaine derniere et celle d’avant. Y’avait 5 personnes qui étaient solidaires entre eux, 5 personne, ils montaient pas manger pendant 5 jours après ces 5 jours ils ont dit ca suffit parce que personne a pris sa en compte quoi.
R: Le CRA Il s’en fout, faut réussir à être suffisament nombreux
M : Meme de faire des problemes ou quoi, ils nous emmenent cash en prison, c’est pour ca les gens ici ils les laisse faire ce qu’ils veulent
R: Tu veux dire si jamais tu fais trop de problèmes à l’interieur
M: Ouai si on fait un truc comme ca, pareil qu’hier ils nous mettent cash en prison. Cash tu vas aller en garde à vue, garde à vue ils te mettent en prison. Là hier tout le monde a fait la greve de la faim mais voilà, le resultat ils sont venus avec des boucliers, des matraques, je sais pas on va gagner quoi, mais personne a gagné sa liberté. On cherche meme pas la liberté, on cherche que ils nous font rentrer des gateaux et des cigarettes, c’est tout, on demande que ca
R : Apres la liberté ce serait bien aussi mais déjà ….
M: Bien sur, bien sur c’est ce qu’on souhaite, mais voila s’ils veulent pas ou y’a pas moyen, on mange pas aussi, meme pas les gateaux? ils nous enleve les gateaux, les cigarettes, la liberté, vas-y enlevez nous l’air aussi . En plus la dans la cour ils ont mis trois cages, pour quoi faire? pour quoi y’a trois cages? le soleil il nous touche meme pas
R: Ah tu veux dire des grillages au dessus pour pas que les gens lancent des trucs?
M: Oui, oui. Y’a pas de soleil, on voit meme pas le soleil. le soleil rentre pas dans la cour, toute la journée on voit pas le soleil
R: Et du coup cette fois sur la greve de la faim vous etes plus nombreux, y’a tout le batiment?
M: Ouai, y’a tout les batiments, y’a 1,2,3,4,5,6… Y’a 6 batiments qui mangent pas.
R: Ok, et ils ont voulu discuter ou pas?
M: Non, non ils sont venus au rapport de force direct hier. Ils sont venus direct equipés genre ils voulaient rien savoir.
R: Et tu veux expliquer un petit peu comment c’est le centre et où est ce que tu es?
M: Ouai en fait y’a des cellules à 2 personnes, y’en a qui sont 3 par cellules et on est melangés y’a des gens malades, des sdf, des gens qui ont besoin d’un peu d’hygiène, des trucs pour se laver, on a rien, ils laissent pas rentrer les shampoings, les gels douche. Les cotons tiges c’est interdit. Les coupe ongles c’est interdit. La on est comme des chiens, on est pas des humains, je m’excuse pour ce terme mais on est vraiment pas comme des humains. Ils nous traitent comme… Voila même un chien il est mieux que nous
R: Ouai donc pas de shampoing….
M: Pas de shampoing, pas de gel douche , pas de dentifrice, pas de brosse à dents, rien, plus rien.
R: La dernière fois au telephone j’avais un mec qui me disait que vous aviez meme pas de papier toilettes
M: On a pas, ouais c’est vrai, c’est interdit
R: Ils disent « Lavez vous à l’eau » quoi
M: Ils nous interdisent tout en fait. Ouai à l’eau, on fait tout comme ça, à la sauvage quoi.
R: Du coup normal y’a des gens qui tombent malades
M: Bien sur, bien sur y’a des gens qui tombent malades, on est en train de … je sais pas. Mais meme eux ils cherchent ca, ils cherchent la merde
R: Parce que dans le batiment vous avez accès aux douches toute la journée mais jamais de quoi vous laver quoi, pas de savon?
M: Non pas de savon, pas de gel douche, pas de shampoing, c’est interdit.
R: Et ils vous donnent pas d’habits?
M: Non c’est interdit. Meme les colis si ta famille ils sont loin, à Paris ou a Toulouse c’est interdit qu’ils vous envoient un colis
R: Soit t’as des proches qui peuvent te faire un dépot soit c’est la galère.
M: Moi j’ai de la famille à Paris et a Toulouse, ils m’ont envoyé des colis, des habits, des ciagrettes, c’est interdit ils veulent pas, ils ont renvoyés le colis
R: Et quand y’a des gens qui tombent malades ils peuvent voir le medecin ou pas?
M: C’est compliqué parce qu’on est trop nombreux y’a qu’un seul medecin
R: Ouai…. Du coup pas tout le monde peut le voir…
M: Pour prendre rdv avec le medecin ici c’est compliqué faut mettre le bordel pour qu’un seul de nous peut monter voir le medecin
R: OUuai du coup c’est toujours ca pour se faire entendre faut essayer de faire du bordel sinon ils t’écoutent pas et quand tu fais du bordel ils t’écoutent pas on plus mais un peu plus
M: Mais en faisant ca y’a des gens qui retournent en prison hein…
R: Mais c’est le seul moyen de se faire entendre
M:Tout le temps ils en prennent un, ils en prennent un, donc voila….. C’est compliqué pour nous, c’est compliqué vraiment. Les conditions de vie ici vraiment c’est pas des conditions de vie, c’est des conditions pour mourir
R: Et toi par example tu disais que t’as des proches a Paris et a Toulouse, y’a d’autres personnes comme ca qui se font arrêter et emmener dans un CRA loin et du coup pour les proches c’est compliqué pour venir voir?
M: En fait ils sont venus pour me voir, ils ont pris un rdv, le dernier rdv c’est a 16h55 et quand ils sont venus, ils sont venus à 17h30 comme ca et ils laissent pas rentrer. Ils disent que c’est en retard et tout, c’est interdit, c’est hors la loi je sais pas quoi….
R: J’ai parlé avec d’autres prisonniers et y’en a qui viennent de Corse, de Nice, des fois t’es hyper loin de tes proches quoi…
M: Y’a de Corse, y’a de Nimes, y’a de Nice, y’a de Cannes, y’a qui viennent de Paris, partout
R: Du coup t’es hyper isolé quoi…
M: On est trop nombreux, y’en a qui ont besoin d’habits, y’en a qui ont besoin de produits d’hygiène
R: Et là du coup ca fait un jour pour l’instant que vous êtes en grève de la faim tous.
M: Tous ouai, un jour, depuis hier.
R: Déjà grosse force à vous, bon courage
M: Merci, on vous remercie beaucoup. Même de demander comment on va et tout, ca c’est humain de votre part, donc merci. Y’a quelqu’un qui pense à nous
R: On va essayer de faire sortir la parole avec nos humbles moyens… Et tu disais vous êtes trois/quatre, non deux/trois par cellule?
M: Oui, y’en a qui sont trois, y’en a qui sont deux
R: Et vous avez aucune activité?
M: Aucune, aucune. Parce qu’ils disent y’a la maladie, y’a le covid, je sais pas quoi… Ca fait un mois et demi que je suis la, je suis meme pas sorti une seule fois pour une activite
R: Y’a moins d’activite au CRA que dans la prison quoi.. Et donc ca fait au moins un mois et demi que t’es la ?
M: Ouai, un mois et demi
R: Et t’as envie de raconter un peu avant la prison ou pas?
M: Déjà la prison c’est compliqué alors là…. Quand j’ai fini ma peine ils m’ont ramené au CRA. la prison c’était dur aussi, la prison c’etait pas facile, la prison t’as tout t’as des couteaux, t’as des surveillants qui font rentrer tout.
R: Et du coup a la fin des 8mois tu pensais que t’allais sortir et la paf ils te rajoutent…
M: Ils m’ont même pas dit que j’allais venir au CRA, parce que j’ai jamais fait le CRA auparavant c’est la premiere fois
R: Et ca rajoute un mois et demi et on espere pas beaucoup plus, mais peut être jusqu’à trois mois quoi..
M: De toute facon ils m’ont dit « Tu vas rester 90 jours » parce que je suis inconnu, l’état tunisien m’a pas reconnu, l’etat marocain non plus, l’état algérien non plus. Et je suis là, je sais meme pas pourquoi en fait
R: En gros ce qu’ils t’ont dit c’est « On peut pas t’expulser mais on va quand meme te garder trois mois meme si ca sert a rien »
M: Voila voila
R: Ils rendent fous….
M: C’est un truc de fou mais voilà on essaye de vivre avec…
R: Y’a beaucoup de personnes qui se font expulser en ce moment?
M: Y’a des tunisiens, ce matin ils ont fait partir un algérien, ils l’ont expulsé, hier deux tunisiens.
R: Et toi ca faisait longtemps que t’étais en France?
M: Depuis 2018
R: Et là comme t’es allé en prison ils ont décidés qu’ils allaient t’expulser et ils essayent quoi
M: Soit disant je suis un danger public, pas que moi, pour tout le monde ici ils ont mis dans leur dossier qu’ils les considèrent comme danger public
R: Oui c’est ca, ils sont persuadés que les étrangers sont dangereux donc ils veulent absolument les enfermer et puis les expulser
M: Voila, mais le problème y’a des gens qui sont enfermés ils savent même pas pourquoi, ils sont même pas expulsés, ils font 90 jours après ils sortent et quand tu sors, t’as une assignation à résidence
R: Ouai et après quand tu sors après tu dois pointer tous les jours au CRA
M: Voila tu pointes tous les jours, mais tu dois travailler, tu dois faire tes papiers ou pointer tous les jours, je sais pas quoi… On sait pas vraiment quoi faire.
R: Ils veulent absolument garder le controle sur les gens quoi..
M: Mais vraiment ils gardent le controle sur les gens
R: Ils sont persuadés que vous êtes dangereux alors que y’a rien
M: Bah oui tu vois, tu vois des gens qui ont jamais fait de la prison de leur vie, tu vois des gens qui viennent de dehors, et ils font 3 mois ici… On mérite pas tous, parce que même si on etait en prison ou on vient de l’exterieur on a fait notre peine, on a fait de mal a personne, on merite de souffler un peu d’air dehors, avoir un peu de liberté non?
R: Bah oui normal….
M: C’est tout ce qu’on demande
R: la liberté..
M: La liberté.. Liberté, Egalité, Fraternité on a cru mais en vrai c’est pas ca
R: Bah apparement pas, en tout cas pas dans le CRA quoi
M: Voila, soit dans le CRA, soit en prison. Y’a pas d’égalité, y’a rien quoi.
R: En vrai ouais, ils ont la haine
M: Ouai c’est que du mensonge
R: Tu m’étonnes…
M: C’est vraiment l’extreme
R: Tu veux dire les conditions?
M: Oui c’est invivable, même entre nous on est en train de se prendre la tête parce qu’on a rien.
R: Et oui etre enfermé ca rend fou
M: Ils nous oublie d’acheter les cigarettes chez eux, là y’a l’OFII y’a une femme qui vient pour nous acheter, on leur donne des sous, si on a pas des sous sur nous on fait comment? meme si on a un RIB, un numéro de compte on envoie les sous dessus, on peut pas ils veulent pas
R: Ils prennent que le cash ?
M: Que le cash
R: Ouais du coup si t’as pas des proches qui peuvent te passer du cash…
M: Oui le cash c’est compliqué
R: Surtout si t’as pas des proches qui peuvent venir t’en donner quoi
M: Voila si t’as pas des proches sur Marseille t’es mort, t’es foutu….
R: Et les quelques semaines ou vous disiez qu’ils mettaient la clim..?
M: Oui voilà c’est pour ca qu’ils sont tombés malades c’est à cause de ca, moi personnellement j’ai la clim dans ma chambre elle est a fond, il fait froid je comprends pas pourquoi ils laissent les clim en marche. Même dans la salle télé on est obligés de rester dans le couloir toute la nuit, ou on dort tard, on dort à 3h du matin, on est obligés de pas rentrer dans les chambres tôt
R: Et vous leur avez demandé d’arrêter la clim et ils en ont rien à foutre?
M: On a demandé, ils disent ca fonctionne autonmatiquement, ca fonctionne par rapport à l’air de dehors, c’est normal ils disent. Pour eux c’est normal, pour nous non, le vent il souffle dans la dans la cellule, t’imagines pas mais il fait froid
R: Et la nourriture c’est comment?
M: La nourriture c’est dégueulasse, je te ments pas dégueulasse. Y’a des gens végétariens ils sont obligés de manger le poulet, ils sont obligés de manger de la viande. Et déjà ils ont pas de sel, ils ont pas de poivre pendant un mois. Pendant un mois on mange sans sel. Quand on demande ils disent que y’a pas. Ni sel ni poivre, tous les jours.
R: Ouai ils en ont rien à foutre quoi…
M: Ouai désolé mais ils s’en foutent. Carrément ils sont à coté de la plaque, ils veulent rien savoir.
R: Toi t’as fait des jugements pour l’instant?
M: Oui, oui
R: A chaque fois la juge elle prolonge quoi…
M: Elle prolonge voilà, parce que je suis inconnu et les états maghrebins m’ont pas recoonnu, ni le Maroc, ni l’Algerie, ni la Tunisie
R: Et toi tu l’as vu en vrai ou en visio?
M: J’ai fait les deux. J’ai fait comme ça le jugement normal et l’appel en visio
R: Ca c’est un délire aussi, de pas pouvoir faire un vrai jugement, qu’ils te laissent pas sortir et que tu le fasse en visio
M: Bien sur, bien sur, avant on partait, quand on faisait l’appel on partait a Aix en Provence et là en visio on sort meme pas du CRA en fait. Triste ce qui se passe en France, c’est pas la France qu’on a imaginé. C’est pas ce qu’on a imaginé de la France. On a pas pensé qu’on va vivre un jour comme ca
R: Bah c’est clair, en vrai y’a de la place pour tout le monde, on pourrait tous vivre heureux et ensemble mais ils ont trop la haine
M: Ouai mais vraiment, vraiment. On pourrait, on a rien fait de mal. Si on voit le dossier de chacun, ou ses antécedents ou son casier judiciaire on trouve pas que c’est un danger public, il a rien fait pour mettre un danger public, pour que tu le fasse pas sortir
R: C’est juste la préfecture elle a un dossier, t’avais un petit couteau sur toi et t’es un sans papiers, du coup direct t’es un danger public
M: Bien sur c’est pour rien, ils mettent des interdictions de 10ans, définitif, pour rien, pour rien. Interdiction definitive pour rien. Quitte l’Europe pour rien
R: Tu fais la meme chose, mais quand t’es sans papier tu prends beaucoup plus cher
M: Ouai. Un quitter le territoire, normal on a accepté ça, normal avec plaisir c’est pas grave, on quitte le territoire, mais tu mets sur le dossier une interdiction de 10ans ou une interdiction definitive ou une interdiction européenne, ca veut dire quoi, même ailleurs tu vas l’empecher de vivre?
R: Ouai c’est clair les ITF, les condamnations pénales c’est hyper chiant à faire sauter après
M: Bah ouai on va pas avoir une vie normale, on va toujours galerer avec eux. Meme si on va pas rester ici on va galèrer
R: Ca veut dire tu prends 8 mois la même peine que quelqu’un qui est en France mais en plus t’as une interdiction de territoire, t’es exilé à vie, alors que y’en a qui étaient la depuis des années
M: Voila au contraire normalement quelqu’un qui est la depuis des années il recoit des aides, mais non, moi quand je me suis fait jugé ils m’ont dit comme quoi il allait m’aider dehors, mais non quand je suis sorti ils m’ont ramené au CRA, ils vont m’aider d’ou? On est dans l’incompréhension
R: Tu m’étonnes…
M: On est dans l’incompréhension, y’a personne qui comprend ce qui se passe en ce moment, soit entre les états, soit l’état francais qu’est ce qu’il est en train de faire. C’est comme une punition, c’est une punition, on voit meme pas le ciel
R: Ouai t’es puni pour être sans papier quoi.
M: C’est insupportable, c’est insupportable. Je préfère être en prison et pas ici
R : Ah ouais?
M : Oui
R: Parce que au moins y’a des activités?
M: Au moins y’a les activités, tu peux voir le docteur, tu peux travailler, tu peux manger bien, tu peux voir des mandats, tu peux recevoir des cantines, tu peux faire à manger tout seul voilà. T’as fait un truc tu l’assumes, voilà ca c’est rien, mais de la prison libérable il te dise « Oui t’es libéré » et il te ramène ici, mais je suis enfermé je suis pas liberable en fait.
R : Grosse force à vous en tout cas
M: On vous remercie, merci beaucoup
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