Grèves de la faim – fin octobre 2025

 

Les témoignages sur lesquels se basent cet article qui sont retranscrits ci dessous sont disponibles au format audio dans l’émission de la courte échelle du dimanche 02/11/2025 dont on peut retrouver le podcast sur le site radio galère ici : https://radiogalere.org/emission/la-courte-echelle/la-courte-echelle-du-02-11-25

Deux grèves de la faim se sont enchainées cette fin de mois d’octobre au centre de rétention. Une première portée par 5 personnes, qui a duré quelques jours mais qui a finit par s’arréter faute de répondant et de considération de la part de la Police aux frontières (paf) qui gère le centre de rétention. Les personnes en grèvent de la faim dénnonçaient leurs conditions d’enfermement, en particulier le fait que les flics refusent d’arréter la clim alors qu’il fait froid.

Une deuxième grève de la faim est repartie la semaine suivante suivie par beaucoup plus de monde, toujours dénnonçant les conditions globales, impliquant la clim, mais également pour protester contre le refus des dépots de gateaux et de clopes pas chères (d’autre pays), alors que jusque là on pouvait en amener lors des parloirs. Cette deuxième grève de la faim a commencé jeudi 30 octobre au matin. Les témoignages ci dessous on été enregistrés le vendredi 31 octobre au soir, personne encore n’était retourné manger.

Les conditions décrites dans les témoignages qui suivent correspondent à ce qu’ont toujours décrit les prisonniers du CRA du Canet :

– La bouffe dégueulasse, les régimes alimentaires pas toujours respectés.  – Les conditions matérielles de la rétention dépendent beaucoup de ce que les proches peuvent amener : des vêtements ou du cash pour acheter des choses à l’intérieur par exemple. Mais beaucoup de détenus ont été ramenés depuis d’autres villes et n’ont pas de proches sur Marseille voir pas en France et donc manquent énormément de tout ça. Et même lorsque des proches font le déplacement, un retard peut coûter une annulation de parloir. – L’accès à la santé aussi est un gros enjeux : un seul docteur dans tout le CRA qui n’est pas toujours là et pas toujours disposé. Très peu sont escortés jusqu’à l’hôpital même lorsque ce serait nécessaire, et lorsque les détenus appellent les pompiers ils refusent de venir sans l’accord des gradés. Très peu de produits d’hygiène leur sont donnés, même pas de papiers toilette. – Les flics sont intervenus comme souvent équipés et casqués pour mater la révolte car certains prisonniers ont caché des caméras (sans mêmes les casser). Outre la répression violente lors des moments de protestation, les flics ne daignent réponde à aucune demande, et sont parfois menaçant. Ces témoignages racontent qu’ils ont notamment été agressif envers les prisonniers qui faisaient la prière. – La répression est aussi juridique : les condamnations au pénal pour révolte dans le CRA sont très vite arrivées et les personnes sont rapidement emmenées en prison. – Les prisonniers disent aussi que les cafés sont cachetonnés, que les multiples grillages au dessus de la cour de promenade empèchent de voir le ciel, qu’il sont beaucoup, deux trois par cellules, et ils rappellent que contrairement à la prison, il n’y a aucune activité en CRA.

témoignage 1 (plusieurs témoignants)

 

( R est le camarade de la radio qui recueille les témoignages des grévistes. D,H,T,M et W sont les grèvistes qui témoignent depuis le CRA)
 
D : Vous savez y’avait des grèves parce que y’avait un peu des histoires, on mange pas bien du tout. Et voilà les gateaux qu’on a recu encore c’est interdit, c’est pas normal quand même. Même les cigarettes aussi, mais les cigarettes c’est cher ici, on a pas les moyens mon frêre, qu’est ce qu’on va faire alors? Et du coup aussi on dit qu’il y a des infirmières mais il y a pas de docteur. Tu demandes un docteur, c’est difficile pour voir un docteur. Y’a des gens qui sont malades ça peut contaminer quand même, c’est un peu compliqué. Y’a rien comme activité, on est là seulement à trainer dans le couloir. Y a rien qui marche, la vérité. 
 
R: Y’a rien qui marche ?
 
D: Y a rien qui marche. Ça ne va pas, la vérité. Si t’as un problème, t’as besoin de fumer, tu vas crier jusqu’à deux heures, trois heures du tam, tu ne vas pas avoir un coup de main, tu vois.
 
R: Vous êtes beaucoup en ce moment au centre de retention? 
 
D: Ouais ouais ouais on est beaucoup, on est beaucoup, on est beaucoup. 
 
R: Tous les batiments sont remplis? 
 
D: Dans cet peigne [non des batiments du cra] y’a 30 personnes. 
 
R: Ok. 
 
D: Faut dire ça, que c’est des racistes. Même, ils embêtent pour les prières. Ça les embête eux, tu vois.
 
R: Attends, répète ce que tu viens de dire. 
 
D : Pour les prières, ça les embête eux. Même des fois, ils envoient les gens : Allez, montez, mangez, mangez. Mais si c’est l’heure de prière, ça va pas avant les prières.
 
R: Quand c’est l’heure de la prière, ils s’en foutent, ils veulent que vous montiez quand même, ils mettent la pression?
 
D: Ouais, ouais, ils s’en foutent. Ici ils respectent pas les règles de la prière, mon frère. C’est dommage, quand même. 
 
R: C’est pas normal. 
 
D: La police fait rien. Il font les voyous devant nous ici comme ça, ils font rien. Ils sont venus avec des matraques, avec…. je ne sais pas, moi-même, j’avais trop peur.
 
T: Tu vois, il y a des gens qui ont trop peur parfois. 
 
D: Et ouais, moi, j’ai traumatisé, tu vois. Moi, vraiment, j’étais trop peur, trop peur. Hier, le fait que ca c’est passé hier, on n’a pas mangé parce que tout le monde était en colère. Et voilà, comme ça, on est restés. Même aujourd’hui, on en est là. Aujourd’hui, on va faire une grève.
 
R : Vous faites la grève, vous avez pas mangé depuis hier matin, c’est ça ?
 
D : Ouais. Aujourd’hui, encore, on va essayer de faire grève.
 
H : Même on a demandé des pompiers, déjà, ils les ont pas appelé. Ils peuvent pas rentrer dans le CRA sans l’accord du CRA. Le gradé du cra.
 
T: On n’a rien fait. Rien du tout. On n’a pas voulu manger, c’est tout. On n’a pas voulu manger ils sont venus à plusieurs, avec des casques, des matraques. Ils cherchent la merde. Eh ouais. Là, il y a tout le monde qui capte.
 
D : Tu as vu, ça commence déjà. Nous, on est en train de parler. 
 
T: Il y a un bordel, ça tape dans tous les sens. Y a pas de parloir, y a pas de cigarette, y a pas de gâteau. C’est vraiment la merde. 
 
R: Il y a encore des parloirs, mais ils laissent plus rentrer les clopes et les gâteaux, c’est ça ?
 
T: Tout, ils bloquent tout, même les gâteaux. Il y a même l’association, elle est venue voir des gens qui ont personne ici. Ils ont pas laissé les .?.?. rentrer.
Il y a quelqu’un d’autre qui va témoigner.
 
M: S’il vous plaît, monsieur. 
 
R: Ouais. 
 
M: Ça fait presque deux mois que je suis là. Ici, il n’y a rien. Qui peut nous convaincre, nous ? Il n’y a pas d’infirmière. Infirmière, il y a, mais il n’y a pas de médecin. Le médecin, c’est impossible de le voir. Vous comprenez ?
 
R: Oui, je comprends. 
 
M: Il y a beaucoup, beaucoup de choses, chef.
 
R: Il y a beaucoup de malades ? 
 
M: Ils sont tous comme malades presque, ils sont tous malades. Mais ils demandent voir le médecin. Moi, je suis malade, je parle à un médecin. Et le médecin là, il t’envoie pas à l’hôpital. Est-ce que ça, c’est normal ? 
 
R: Bah non, c’est clair.
 
M: Dans un pays comme France, au pays de droit, pays de liberté, pays de tout, tu peux pas te soigner. Même en prison, on te soigne. En prison, tu imagines ? Il y a pas les moyens pour se soigner. Y a rien, y a pas d’oxygène, y a rien, ils donnent rien. Même pas de savon, des petits savons, ça sert à rien pour se doucher, monsieur.
 
R: Ils donnent pas de savon, pas de brosse à dent, pas de papier toilette ?
 
M: Une brosse à dent pour trois mois. Un petit savon, ils donnent un petit savon, ça te fait même pas la douche.
 
R: En fait, ils donnent un kit d’hygiène quand vous rentrez, après, ils donnent plus rien?
 
M: Ils te donnent de temps en temps, comme ça. Tu te démerdes comme ça. Et puis, il te donnes des cafés, ils mettent les médicaments dans le café. Pour vous dire la vérité, monsieur, moi, j’ai réclamé ça, je suis un buveur de café, et j’ai dit : J’ai jamais bu un café comme ça. C’est incroyable. À manger, c’est une autre chose. Venez ici pour voir ce qui se passe ici. Nous on fait des blocages. Ici, on bloque.
 
T: Voilà, comme vous avez parlé ce matin, il y a des gens qui bloquent et qui vont rentrer en prison pour rien.
 
R: Vous bloquez quoi ? Vous bloquez les… ? 
 
M: Je dis en exemple, si on fait un blocage, si on fait un blocage pour revendiquer quelque chose, on y va en prison. Ça veut dire qu’ici, on n’a pas le droit de rien.
 
R: T’as aucun droit et si tu protestes, ils t’emmènent.
 
M: Ouais, t’as vu ? Un pays de droit comme la France, c’est impossible, incroyable.
 
R: Et les produits d’hygiène, ils les laissent rentrer au parloir ou pas non plus ?
 
M: Les produits d’hygiène… Ils te donnent même pas de papier toilette. Le kit hygiène comme il faut, ils te le donne même pas. Papier toilette, un petit savon, un petit shampoing, tu te douches une journée, après, tu vas te démerder de gauche à droite pour être bien propre, tranquille. Est-ce que c’est normal ? Dans un pays de droit comme la France.
 
R: Bah non, c’est pas normal, t’as raison. Vous avez raison de bloquer.
 
M: On fait pas de blocage, mais on revendique. On revendique certaines choses, mais eux, ils veulent pas comprendre. Comme c’est la police, ils comprennent pas. La prison, c’est mieux que ici, mille fois. Ici, t’es dans une prison.  Il faut que vous veniez ici, voir ce qui se passe ici.
 
T: On n’a pas le soleil. Il y a pas de soleil, c’est couvert maintenant.
 
R: Parce qu’il y a le grillage? 
 
M: On ne respire pas comme il faut. Je vous dis la vérité, il faut que vous venez voir ce qui se passe ici. On peut rien revendiquer, Monsieur. 
 
T: Voilà, monsieur, un autre témoignage.
 
W: Bonsoir, monsieur. Ça va ? 
 
R: Oui, ça va.
 
W: Voilà, monsieur. Même les activités, monsieur. Même les activités. Il y a rien. Il y a rien.
 
R: Il y a aucune activité ? 
 
W: Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de menaces pour les Algériens. Il y a beaucoup de menaces. 
 
R: Tu veux dire la police, elle est plus agressive avec les Algériens ?
 
W : Eh oui. Il y a beaucoup de menaces. Il y a beaucoup de menaces. Demande sel, il n’y a pas. Demande brosse à dent, il n’y a pas. Demande quelque chose, il n’y a pas, il n’y a pas, il n’y a pas. Il y a l’essentiel de la merde, de la merde, de la merde.
 
T: Voilà, il y a les repas maintenant, mais nous on est pas montés, on n’a pas mangé.
 
R: Ce midi, toute la journée, vous avez pas mangé non plus, c’est ça ?
 
T: Non, on n’a pas mangé. Depuis hier.  
 
 
 

Témoignage 2

(discussion un peu plus longue avec un des détenus)

 

 
R: Tu veux nous raconter ce qu’il s’est passé un peu ces derniers jours? 
 
A: Oui, ces dernier jours, bah je commence par la grève de la faim parce que y’a 5 personnes qui ont fait une grève de la faim pendant 6 jours. Et après, eux ils font quoi, ils donnent les plateaux des gens aux autres comme ca ils déclarent pas les gens qui font la grève de la faim. Et y’avait des incidents, hier ils sont rentrés avec des boucliers, des casques, des matraques et tout.
 
M: Ils ont dit qu’ils s’en battent les couilles si on fait la grève ou pas, l’essentiel ils vont enlever les gateaux, ils rentrent plus au parloir et ils veulent qu’on prenne les cigarettes de la France. Un paquet de cigarettes c’est 13euros maintenant, on est pas des ministres nous. Acheter un paquet à 13euros pour le fumer en 2h. 
 
R: Ils voulaient plus faire rentrer les cigarettes de contrebande, ils voulaient que les cigarettes cheres?
 
M: Mais nous on a pas pour acheter ça
 
R: Bah ouai normal, et les gateaux, ils voulaient plus faire rentrer les gateaux? 
 
M: Deja y’a plus rien depuis le 28, y’a plus rien qui rentre. Deja avec 2 paquets de gateaux, on est pas contents. 
 
R: Ca fait combien de temps qu’ils font ça? Qu’ils laissent plus rentrer les gateaux? 
 
M: Depuis le 28
 
R: Et du coup hier vous vous etes dit ca suffit et vous avez commencé une greve de la faim? 
 
M: On a dit ca suffit et personne n’est monté pour manger, on est restés tous dans la cour et on a fermé les caméras et ils ont même pas voulu chercher à savoir, ils sont cash venus au rapport de force, ils sont venus avec des boucliers, des matraques… des insultes, ils nous traitent de tous les noms quoi.
 
R: Parce que vous aviez juste cachés les caméras et ils sont venus armés quoi? 
 
M: C’est juste ça, c’est juste ca. meme vous pouvez leur demander si on a cassé un truc ou vous pouvez venir voir si on a cassé un truc. Y’a rien qui est cassé, tout est neuf ici on a rien fait, eux ils ont rien des produits d’hygiene, ils sont venus cash pour faire la violence avec nous 
 
R: Et ils ont voulu faire quoi? ils on voulu vous faire rentrer dans les batiments? 
 
M: Rentrer carrément dans les batiments. Y’a des gens qui etaient en train de faire la priere ils voulaient pas, ca les a cash tabassé et ils disent non c’est interdit c’est la loi, c’est la loi, c’est pas à vous de décider, vous mangez pas on s’en fout mais cachez pas les cameras, fermez pas les cameras. Vous mangez pas, mangez pas. Eux ils s’en foutent, eux deja quand on fait une greve de la faim ils declarent pas.
 
R: Vous avez deja fait une greve de la faim la semaine derniere…
 
M: Oui, oui. la semaine derniere et celle d’avant. Y’avait 5 personnes qui étaient solidaires entre eux, 5 personne, ils montaient pas manger pendant 5 jours après ces 5 jours ils ont dit ca suffit parce que personne a pris sa en compte quoi.
 
R: Le CRA Il s’en fout, faut réussir à être suffisament nombreux 
 
M : Meme de faire des problemes ou quoi, ils nous emmenent cash en prison, c’est pour ca les gens ici ils les laisse faire ce qu’ils veulent
 
R: Tu veux dire si jamais tu fais trop de problèmes à l’interieur 
 
M: Ouai si on fait un truc comme ca, pareil qu’hier ils nous mettent cash en prison. Cash tu vas aller en garde à vue, garde à vue ils te mettent en prison. Là hier tout le monde a fait la greve de la faim mais voilà, le resultat ils sont venus avec des boucliers, des matraques, je sais pas on va gagner quoi, mais personne a gagné sa liberté. On cherche meme pas la liberté, on cherche que ils nous font rentrer des gateaux et des cigarettes, c’est tout, on demande que ca
 
R : Apres la liberté ce serait bien aussi mais déjà ….
 
M: Bien sur, bien sur c’est ce qu’on souhaite, mais voila s’ils veulent pas ou y’a pas moyen, on mange pas aussi, meme pas les gateaux? ils nous enleve les gateaux, les cigarettes, la liberté, vas-y enlevez nous l’air aussi . En plus la dans la cour ils ont mis trois cages, pour quoi faire? pour quoi y’a trois cages? le soleil il nous touche meme pas
 
R: Ah tu veux dire des grillages au dessus pour pas que les gens lancent des trucs?
 
M: Oui, oui. Y’a pas de soleil, on voit meme pas le soleil. le soleil rentre pas dans la cour, toute la journée on voit pas le soleil
 
R: Et du coup cette fois sur la greve de la faim vous etes plus nombreux, y’a tout le batiment?
 
M: Ouai, y’a tout les batiments, y’a 1,2,3,4,5,6… Y’a 6 batiments qui mangent pas.
 
R: Ok, et ils ont voulu discuter ou pas?
 
M: Non, non ils sont venus au rapport de force direct hier. Ils sont venus direct equipés genre ils voulaient rien savoir.
 
R: Et tu veux expliquer un petit peu comment c’est le centre et où est ce que tu es?
 
M: Ouai en fait y’a des cellules à 2 personnes, y’en a qui sont 3 par cellules et on est melangés y’a des gens malades, des sdf, des gens qui ont besoin d’un peu d’hygiène, des trucs pour se laver, on a rien, ils laissent pas rentrer les shampoings, les gels douche. Les cotons tiges c’est interdit. Les coupe ongles c’est interdit. La on est comme des chiens, on est pas des humains, je m’excuse pour ce terme mais on est vraiment pas comme des humains. Ils nous traitent comme… Voila même un chien il est mieux que nous
 
R: Ouai donc pas de shampoing….
 
M: Pas de shampoing, pas de gel douche , pas de dentifrice, pas de brosse à dents, rien, plus rien.
 
R: La dernière fois au telephone j’avais un mec qui me disait que vous aviez meme pas de papier toilettes
 
M: On a pas, ouais c’est vrai, c’est interdit
 
R: Ils disent « Lavez vous à l’eau » quoi
 
M: Ils nous interdisent tout en fait. Ouai à l’eau, on fait tout comme ça, à la sauvage quoi.
 
R: Du coup normal y’a des gens qui tombent malades
 
M: Bien sur, bien sur y’a des gens qui tombent malades, on est en train de … je sais pas. Mais meme eux ils cherchent ca, ils cherchent la merde
 
R: Parce que dans le batiment vous avez accès aux douches toute la journée mais jamais de quoi vous laver quoi, pas de savon?
 
M: Non pas de savon, pas de gel douche, pas de shampoing, c’est interdit.
 
R: Et ils vous donnent pas d’habits? 
 
M: Non c’est interdit. Meme les colis si ta famille ils sont loin, à Paris ou a Toulouse c’est interdit qu’ils vous envoient un colis 
 
R: Soit t’as des proches qui peuvent te faire un dépot soit c’est la galère.
 
M: Moi j’ai de la famille à Paris et a Toulouse, ils m’ont envoyé des colis, des habits, des ciagrettes, c’est interdit ils veulent pas, ils ont renvoyés le colis
 
R: Et quand y’a des gens qui tombent malades ils peuvent voir le medecin ou pas?
 
M: C’est compliqué parce qu’on est trop nombreux y’a qu’un seul medecin
 
R: Ouai…. Du coup pas tout le monde peut le voir…
 
M: Pour prendre rdv avec le medecin ici c’est compliqué faut mettre le bordel pour qu’un seul de nous peut monter voir le medecin
 
R: OUuai du coup c’est toujours ca pour se faire entendre faut essayer de faire du bordel sinon ils t’écoutent pas et quand tu fais du bordel ils t’écoutent pas on plus mais un peu plus
 
M: Mais en faisant ca y’a des gens qui retournent en prison hein…
 
R: Mais c’est le seul moyen de se faire entendre
 
M:Tout le temps ils en prennent un, ils en prennent un, donc voila….. C’est compliqué pour nous, c’est compliqué vraiment. Les conditions de vie ici vraiment c’est pas des conditions de vie, c’est des conditions pour mourir 
 
R: Et toi par example tu disais que t’as des proches a Paris et a Toulouse, y’a d’autres personnes comme ca qui se font arrêter et emmener dans un CRA loin et du coup pour les proches c’est compliqué pour venir voir? 
 
M: En fait ils sont venus pour me voir, ils ont pris un rdv, le dernier rdv c’est a 16h55 et quand ils sont venus, ils sont venus à 17h30 comme ca et ils laissent pas rentrer. Ils disent que c’est en retard et tout, c’est interdit, c’est hors la loi je sais pas quoi….
 
R: J’ai parlé avec d’autres prisonniers et y’en a qui viennent de Corse, de Nice, des fois t’es hyper loin de tes proches quoi…
 
M: Y’a de Corse, y’a de Nimes, y’a de Nice, y’a de Cannes, y’a qui viennent de Paris, partout
 
R: Du coup t’es hyper isolé quoi…
 
M: On est trop nombreux, y’en a qui ont besoin d’habits, y’en a qui ont besoin de produits d’hygiène
 
R: Et là du coup ca fait un jour pour l’instant que vous êtes en grève de la faim tous.
 
M: Tous ouai, un jour, depuis hier.
 
R: Déjà grosse force à vous, bon courage
 
M: Merci, on vous remercie beaucoup. Même de demander comment on va et tout, ca c’est humain de votre part, donc merci. Y’a quelqu’un qui pense à nous
 
R: On va essayer de faire sortir la parole avec nos humbles moyens… Et tu disais vous êtes trois/quatre, non deux/trois par cellule?
 
M: Oui, y’en a qui sont trois, y’en a qui sont deux
 
R: Et vous avez aucune activité?
 
M: Aucune, aucune. Parce qu’ils disent y’a la maladie, y’a le covid, je sais pas quoi… Ca fait un mois et demi que je suis la, je suis meme pas sorti une seule fois pour une activite
 
R: Y’a moins d’activite au CRA que dans la prison quoi.. Et donc ca fait au moins un mois et demi que t’es la ?
 
M: Ouai, un mois et demi
 
R: Et t’as envie de raconter un peu avant la prison ou pas? 
 
M: Déjà la prison c’est compliqué alors là…. Quand j’ai fini ma peine ils m’ont ramené au CRA. la prison c’était dur aussi, la prison c’etait pas facile, la prison t’as tout t’as des couteaux, t’as des surveillants qui font rentrer tout. 
 
R: Et du coup a la fin des 8mois tu pensais que t’allais sortir et la paf ils te rajoutent…
 
M: Ils m’ont même pas dit que j’allais venir au CRA, parce que j’ai jamais fait le CRA auparavant c’est la premiere fois 
 
R: Et ca rajoute un mois et demi et on espere pas beaucoup plus, mais peut être jusqu’à trois mois quoi..
 
M: De toute facon ils m’ont dit « Tu vas rester 90 jours » parce que je suis inconnu, l’état tunisien m’a pas reconnu, l’etat marocain non plus, l’état algérien non plus. Et je suis là, je sais meme pas pourquoi en fait 
 
R: En gros ce qu’ils  t’ont dit c’est « On peut pas t’expulser mais on va quand meme te garder trois mois meme si ca sert a rien »
 
M: Voila voila
 
R: Ils rendent fous….
 
M: C’est un truc de fou mais voilà on essaye de vivre avec…
 
R: Y’a beaucoup de personnes qui se font expulser en ce moment?
 
M: Y’a des tunisiens, ce matin ils ont fait partir un algérien, ils l’ont expulsé, hier deux tunisiens.
 
R: Et toi ca faisait longtemps que t’étais en France? 
 
M: Depuis 2018
 
R: Et là comme t’es allé en prison ils ont décidés qu’ils allaient t’expulser et ils essayent quoi
 
M: Soit disant je suis un danger public, pas que moi, pour tout le monde ici ils ont mis dans leur dossier qu’ils les considèrent comme danger public
 
R: Oui c’est ca, ils sont persuadés que les étrangers sont dangereux donc ils veulent absolument les enfermer et puis les expulser
 
M: Voila, mais le problème y’a des gens qui sont enfermés ils savent même pas pourquoi, ils sont même pas expulsés, ils font 90 jours après ils sortent et quand tu sors, t’as une assignation à résidence 
 
R: Ouai et après quand tu sors après tu dois pointer tous les jours au CRA
 
M: Voila tu pointes tous les jours, mais tu dois travailler, tu dois faire tes papiers ou pointer tous les jours, je sais pas quoi… On sait pas vraiment quoi faire.
 
R: Ils veulent absolument garder le controle sur les gens quoi..
 
M: Mais vraiment ils gardent le controle sur les gens
 
R: Ils sont persuadés que vous êtes dangereux alors que y’a rien
 
M: Bah oui tu vois, tu vois des gens qui ont jamais fait de la prison de leur vie, tu vois des gens qui viennent de dehors, et ils font 3 mois ici… On mérite pas tous, parce que même si on etait en prison ou on vient de l’exterieur on a fait notre peine, on a fait de mal a personne, on merite de souffler un peu d’air dehors, avoir un peu de liberté non?
 
R: Bah oui normal….
 
M: C’est tout ce qu’on demande 
 
R: la liberté..
 
M: La liberté.. Liberté, Egalité, Fraternité on a cru mais en vrai c’est pas ca
 
R: Bah apparement pas, en tout cas pas dans le CRA quoi
 
M: Voila, soit dans le CRA, soit en prison. Y’a pas d’égalité, y’a rien quoi. 
 
R: En vrai ouais, ils ont la haine 
 
M: Ouai c’est que du mensonge
 
R: Tu m’étonnes…
 
M: C’est vraiment l’extreme 
 
R: Tu veux dire les conditions? 
  
M: Oui c’est invivable, même entre nous on est en train de se prendre la tête parce qu’on a rien. 
  
R: Et oui etre enfermé ca rend fou
  
M: Ils nous oublie d’acheter les cigarettes chez eux, là y’a l’OFII y’a une femme qui vient pour nous acheter, on leur donne des sous, si on a pas des sous sur nous on fait comment? meme si on a un RIB, un numéro de compte on envoie les sous dessus, on peut pas  ils veulent pas
  
R: Ils prennent que le cash ?
  
M: Que le cash
  
R: Ouais du coup si t’as pas des proches qui peuvent te passer du cash…
  
M: Oui le cash c’est compliqué
  
R: Surtout si t’as pas des proches qui peuvent venir t’en donner quoi
  
M: Voila si t’as pas des proches sur Marseille t’es mort, t’es foutu….
  
R: Et les quelques semaines ou vous disiez qu’ils mettaient la clim..?
  
M: Oui voilà c’est pour ca qu’ils sont tombés malades c’est à cause de ca, moi personnellement j’ai la clim dans ma chambre elle est a fond, il fait froid je comprends pas pourquoi ils laissent les clim en marche. Même dans la salle télé on est obligés de rester dans le couloir toute la nuit, ou on dort tard, on dort à 3h du matin, on est obligés de pas rentrer dans les chambres tôt
 
R: Et vous leur avez demandé d’arrêter la clim et ils en ont rien à foutre? 
 
M: On a demandé, ils disent ca fonctionne autonmatiquement, ca fonctionne par rapport à l’air de dehors, c’est normal ils disent. Pour eux c’est normal, pour nous non, le vent il souffle dans la dans la cellule, t’imagines pas mais il fait froid
 
R: Et la nourriture c’est comment? 
 
M: La nourriture c’est dégueulasse, je te ments pas dégueulasse. Y’a des gens végétariens ils sont obligés de manger le poulet, ils sont obligés de manger de la viande. Et déjà ils ont pas de sel, ils ont pas de poivre pendant un mois. Pendant un mois on mange sans sel. Quand on demande ils disent que y’a pas. Ni sel ni poivre, tous les jours. 
 
R: Ouai ils en ont rien à foutre quoi…
 
M: Ouai désolé mais ils s’en foutent. Carrément ils sont à coté de la plaque, ils veulent rien savoir. 
 
R: Toi t’as fait des jugements pour l’instant? 
 
M: Oui, oui 
 
R: A chaque fois la juge elle prolonge quoi…
 
M: Elle prolonge voilà, parce que je suis inconnu et les états maghrebins m’ont pas recoonnu, ni le Maroc, ni l’Algerie, ni la Tunisie
 
R: Et toi tu l’as vu en vrai ou en visio? 
 
M: J’ai fait les deux. J’ai fait comme ça le jugement normal et l’appel en visio
 
R: Ca c’est un délire aussi, de pas pouvoir faire un vrai jugement, qu’ils te laissent pas sortir et que tu le fasse en visio
 
M: Bien sur, bien sur, avant on partait, quand on faisait l’appel on partait a Aix en Provence et là en visio on sort meme pas du CRA en fait. Triste ce qui se passe en France, c’est pas la France qu’on a imaginé. C’est pas ce qu’on a imaginé de la France. On a pas pensé qu’on va vivre un jour comme ca 
 
R: Bah c’est clair, en vrai y’a de la place pour tout le monde, on pourrait tous vivre heureux et ensemble mais ils ont trop la haine
 
M: Ouai mais vraiment, vraiment. On pourrait, on a rien fait de mal. Si on voit le dossier de chacun, ou ses antécedents ou son casier judiciaire on trouve pas que c’est un danger public, il a rien fait pour mettre un danger public, pour que tu le fasse pas sortir
 
R: C’est juste la préfecture elle a un dossier, t’avais un petit couteau sur toi et t’es un sans papiers, du coup direct t’es un danger public
 
M: Bien sur c’est pour rien, ils mettent des interdictions de 10ans, définitif, pour rien, pour rien. Interdiction definitive pour rien. Quitte l’Europe pour rien
 
R: Tu fais la meme chose, mais quand t’es sans papier tu prends beaucoup plus cher
 
M: Ouai. Un quitter le territoire, normal on a accepté ça, normal avec plaisir c’est pas grave, on quitte le territoire, mais tu mets sur le dossier une interdiction de 10ans ou une interdiction definitive ou une interdiction européenne, ca veut dire quoi, même ailleurs tu vas l’empecher de vivre? 
 
R: Ouai c’est clair les ITF, les condamnations pénales c’est hyper chiant à faire sauter après
 
M: Bah ouai on va pas avoir une vie normale, on va toujours galerer avec eux. Meme si on va pas rester ici on va galèrer
 
R: Ca veut dire tu prends 8 mois la même peine que quelqu’un qui est en France mais en plus t’as une interdiction de territoire, t’es exilé à vie, alors que y’en a qui étaient la depuis des années
 
M: Voila au contraire normalement quelqu’un qui est la depuis des années il recoit des aides, mais non, moi quand je me suis fait jugé ils m’ont dit comme quoi il allait m’aider dehors, mais non quand je suis sorti ils m’ont ramené au CRA, ils vont m’aider d’ou? On est dans l’incompréhension
 
R: Tu m’étonnes…
 
M: On est dans l’incompréhension, y’a personne qui comprend ce qui se passe en ce moment, soit entre les états, soit l’état francais qu’est ce qu’il est en train de faire. C’est comme une punition, c’est une punition, on voit meme pas le ciel
 
R: Ouai t’es puni pour être sans papier quoi.
 
M: C’est insupportable, c’est insupportable. Je préfère être en prison et pas ici
 
R : Ah ouais? 
 
M : Oui
 
R: Parce que au moins y’a des activités? 
 
M: Au moins y’a les activités, tu peux voir le docteur, tu peux travailler, tu peux manger bien, tu peux voir des mandats, tu peux recevoir des cantines, tu peux faire à manger tout seul voilà. T’as fait un truc tu l’assumes, voilà ca c’est rien, mais de la prison libérable il te dise « Oui t’es libéré » et il te ramène ici, mais je suis enfermé je suis pas liberable en fait.
 
R : Grosse force à vous en tout cas
 
M: On vous remercie, merci beaucoup

 

l’expulsion forcée d’Ali

Retour sur la collaboration des pays européens dans leurs stratégies d’expulsions forcées

 

Le 10 septembre, ça faisait 88 jours que Ali était enfermé au CRA du Canet, à Marseille. Originaire du Pakistan, il avait un titre de séjour italien, valable jusqu’au 23 septembre 2025. Mais le 10 septembre, sans l’avoir prévenu, les flics son venus le chercher au petit matin dans sa chambre du CRA et l’ont emmené à l’aéroport de Marignane. Là, ils ont fait comme s’ils lui laissaient un « choix ». Ils lui ont dit : ou bien tu montes de toi-même dans l’avion, ou bien on te fait monter de force…  Vu l’escorte (15 flics, venus de Paris), il n’a pas résisté.

Le jet privé est d’abord parti pour Leipzig, en Allemagne. On l’a fait descendre, et remonté dans un autre avion, beaucoup plus gros. Il s’agissait cette fois d’un avion de ligne de la compagnie Iberojet. Une vingtaine d’autres personnes sont montées à bord pour être expulsées, comme Ali, au Pakistan. L’avion était spécialement affrété aux fins de la déportation : il n’y avait pas de passagers réguliers, seulement des personnes déportés et des policiers d’europol. Aucun observateur indépendant à bord qui pourrait signaler ce qui s’y passe.

L’avion est reparti, et a fait une autre escale à Chypre. Ali est resté assis dans l’avion, mais 25 nouvelles personnes sont montées à bord. En tout, il devait y avoir une soixantaine de personnes expulsées en même temps, depuis plusieurs pays (non seulement la France, l’Allemagne, Chypre, mais aussi la Pologne). 60 personnes, pour environ 200 flics.

Arrivé à l’aéroport international d’Islamabad au Pakistan, europol remet Ali et les autres personnes à la police pakistanaise. Elle avait l’air d’avoir déjà une liste toute prête avec leurs identités. Il a ensuite été laissé à la sortie de l’aéroport. Il n’avait plus rien sur lui et, surtout, plus ses documents italiens, qu’il n’a jamais revus depuis son entrée au CRA à Marseille.

Ali est depuis retourné dans son village natal près de Lahore. Mais il compte bien revenir en Europe.

Ce genre de pratique d’expulsion globalisé au niveau européen existe depuis les années 1990 via des charters d’expulsion. La France et l’Allemagne semblent avoir été les principales instigatrices de cette coopération intergouvernementale.

Dès 1992, le Conseil européen s’accordait sur l’organisation d’une « gestion concertée » des renvois qui, tout en contrevenant au principe selon lequel « l’expulsion de ressortissants de pays tiers devrait se faire sans passer par le territoire d’un autre État membre », reconnaissait la nécessité d’une communautarisation des politiques de renvois « pour des raisons d’efficacité, de rapidité ou d’économie ».

Puis, des standards communautaires ont été définis en 2004 dans la décision européenne relative à l’organisation de « vols communs pour l’éloignement ». Celle-ci préconisait, « dans le cadre des mesures et actions visant au renforcement de la coopération opérationnelle entre les États membres, d’assurer de manière aussi efficace que possible le retour des ressortissants des pays tiers séjournant illégalement sur le territoire d’un État membre en partageant les capacités existantes pour l’organisation de vols communs. »

Depuis, les pratiques à l’échelle de l’UE se sont diversifiées, et il existe maintenant de multiples façons d’« européaniser » les expulsions groupées par voie aérienne. On peut ainsi distinguer :

– une « opération conjointe de retour » : il s’agit d’un vol d’expulsion organisé par la police d’un État membre auquel participerait un représentant d’un autre État membre (escorteur, observateur, médecin, diplomate…).

– une « opération nationale de retour » : lorsqu’un un seul État membre est impliqué, mais l’opération peut être soutenue par Frontex.

– une « opération de retour par collecte » : lorsqu’un des représentants d’États non membres de l’UE viennent « collecter » leurs ressortissants respectifs dans un État membre de l’UE ou plusieurs, avec leur propre aéronef et leurs escortes.

– les « charters Dublin » : depuis 2014, des avions sont spécialement loués par un État membre pour le transfert de personnes « dublinées » vers le pays de l’UE responsable de l’examen de leur demande d’asile.

A l’anti-CRA Marseille, on ne comprend pas trop selon laquelle de ces procédures Ali, avec qui on était en contact, a été expulsé. Il avait un titre de séjour italien encore valide. Si ces opérations de coordination intergouvernementale existent depuis longtemps, on ne savait pas qu’une telle « collecte », de pays en pays, était possible. Enfin si, on savait que Frontex participait à cela, on ne se doutait pas qu’europol était aussi dans le coup, ce qui participe encore de la construction des mobilités humaines comme menace sécuritaire. Mais quoi qu’aient été les modalités selon lesquelles Ali a été éloigné de là où il voulait vivre, elles sont intolérables.

Feu aux CRA et aux charters! Personne n’est illégal !

Refus de soins et provocation du docteur dans le cra

Témoignage de A. décembre 2024

Ici, un témoignage de A. qui nous raconte les conditions de santé au CRA du Canet et surtout le refus des soins médicaux nécessaires et le racisme de l’équipe médicale.
A. se retrouve pour la seconde fois dans un CRA après un aller retour CRA-prison pour avoir refusé lors de sa première rétention d’être expulsé vers l’Algérie, qui n’est pas son pays.

Témoignage de décembre 2024

« A : Je suis arrivé ici le 14 octobre 2024 et là ça fait 66 jours que je suis là.

Question : C’est comment en ce moment dans le dépôt surtout pour toi parce que tu nous as dis que tu avais un problème de santé ?

A. : J’ai un problème de santé depuis longtemps. Depuis que je suis ici, 4 jours après, le 18 octobre ils m’ont ramené à l’hôpital parce que mon épaule se déboîtait à chaque fois en dormant. Même si je touche rien, en dormant. Là ça fait 60 jours ou presque que je suis avec l’attelle, j’ai vu le chirurgien et il m’a dit que je devais faire une opération obligatoire. Il m’a donné les papiers pour le kiné et un jour, je suis parti voir le médecin ici (au CRA) et il s’est pris la tête contre moi. Il voulait que je m’énerve. Il me cherchait, il voulait que je craque mais moi je ne lui ai pas donné cette chance. J’étais calme, j’étais normal. Même pour prendre un rendez-vous avec le chirurgien pour l’opération il m’a poussé et il m’a dit « Va voir avec un de mes collègues ». Je ne lui avais rien dit de mal, il y avait même un policier à coté de moi mais je sais qu’il ne va pas témoigner. Il m’a dit que je lui aurais manqué de respect alors que je ne lui ai rien dit de mal, aucune parole. Il m’a dit « Vous pensez que je ne fait pas mon travail ? » et moi je lui ai dit de faire son travail « ni plus ni moins, je vous demande que ça. ». Puis il m’a crié dessus, il s’est énervé, il s’est levé et m’a poussé avec son corps comme ça (corps contre corps) pour me sortir du bureau. Et après il m’a dit d’aller voir un de ces collègues car il ne prendra pas le rendez-vous.

Ça c’est un médecin ? C’est pas normal. Un médecin normalement il est là pour soigner les gens, pour aider les gens. C’est pas comme ça la médecine.

Ils m’ont appelé à midi à l’heure de manger et je suis parti le voir (le docteur). «Bonjour bonjour». Je lui dis que là, on doit parler de mon épaule parce que je n’en peux plus, je dors avec l’attelle tout le temps et que ça fait presque 2 mois que je suis avec ça. J’arrive plus à le supporter, je ne peux pas laisser ma main libre. J’ai donné les papiers que le chirurgien m’avait donné pour le kiné. Le docteur (du CRA) me répond direct qu’ici il n’y a pas de kiné donc je lui demande un certificat (qui justifie qu’il n’y pas l’assistance de soin nécessaire) pour que je puisse l’envoyer à l’avocate et à la juge, pour qu’elle me libère et que je commence à faire les séances de kiné. Le docteur me dit « combien de certificat je vous donne (provocation) » alors que c’est la première fois que je lui demande un certificat. Le chirurgien il m’a dit que je devais faire une opération obligatoire. Et quand je lui ai demandé ça (un certificat), il m’a dit que comme ma rétention se terminait le 14 janvier, que je la ferai après (l’opération). Mais il sait qu’ils vont me ramener en Tunisie, c’est pour ça il ne veut pas le faire. Pour que je ne sorte pas. Et là ça fait 60 jours que je suis avec l’attelle . Je dors avec, je l’enlève que quand je vais faire la douche et je fais attention qu’elle ne se déboîte pas.

Même la juge elle m’a demandé que le docteur me donne un certificat du centre de rétention. Et lui il ne veut pas me le passer, il veut pas. Je sais pas, moi je ne lui ai rien fait de mal, je l’ai vu deux fois et je l’ai toujours respecté. Je lui ai parlé bien et comme il était énervé contre quelqu’un d’autre il a mis ses nerfs sur moi. J’ai vu les infirmières hier, je leur ai parlé et leur ai demandé pour avoir un rendez-vous avec un autre docteur parce que je crois qu’il y a un ou deux docteurs, trois demi journées par semaine. C’est pas tous les jours il y a le docteur ici, juste trois demi journées. Elles m’ont dit qu’elles allaient me prendre un autre rendez-vous, mais pas avec le même car lui il ne veux pas me voir. La semaine dernière j’étais à l’hôpital Nord pour mon épaule qui s’était encore déboîtée, et il (le docteur) ne m’a pas appelé, il ne m’a rien dit et quand j’ai parlé avec l’infirmerie elles m’ont dit qu’il ne voulait pas me voir. Que l’on a déjà parlé et qu’il n’a rien à me dire de plus. Ils ne m’ont même pas donné de médicaments rien du tout. «Va voir avec mon collègue» il m’a dit. Que le rendez-vous avec le chirurgien pour l’opération il ne me le prendrait même pas. Il me l’a dit direct, comme-ça, de face à face.

Les infirmières ça se voit dans leur yeux le racisme, je le vois. Elles rigolent devant et après … J’ai 42 ans je vois tout. Il y en a qui sont bien je mens pas. Il y en a pas trop, pas beaucoup (qui ne sont pas racistes). Mais il y en a ça se voit de loin qu’elles ne veulent pas travailler ici avec les étrangers. Alors pourquoi ils viennent ? Tu le vois. C’est pas que avec les infirmières, il y a des policiers ça se voit aussi.

Ils donnent juste les cachets pour les cachetonnés. Les cachets pour que les gens deviennent fous, c’est tout il y a que ça. Mais pour te soigner, vraiment te soigner, non ! Je parle de mon cas, il me faut une opération et beaucoup de choses et ils s’en foutent.
J’en ai vu un, son pied entier dans le plâtre et il est là, c’est les policiers qui poussent son chariot tous les jours. Il fait quoi ici ? Il arrive pas à se lever. Il fait quoi ici ? On est des êtres humains normalement, il est malade. Il y a des diabétiques et tout mais ils font rien. Mais pour donner les cachetons pour faire devenir fous les gens, là oui ils donnent. Ils viennent, distribuent les cachetons et partent. Mais pour prendre une rendez-vous ou pour te soigner, non !

Moi je suis là depuis 66 jours, j’attends mais il y a des choses ici. On ne dort pas la nuit, il y a des cris, il y a de tout. J’en peux plus, je suis fatigué avec la douleur que j’ai dans mon épaule, avec les problèmes pour mes enfants, je ne vois pas mes enfants. Je peux plus moi ! Je n’arrive plus à tenir. Et lui (le docteur) il cherche à ce que je craque, mais je ne vais pas craquer contre eux.
Il y a un vieux de 72 ans il est diabétique, il fait quoi ici ? 72 ans ! C’est un grand-père. Il est en France depuis 42 ans, il travaille, il est déclaré et tout. On est pas des êtres humains pour eux c’est tout. Ils nous voient comme .. je sais pas .. ils s’en foutent. Pour sortir il ne fait rien (le docteur), pour te soigner à l’extérieur il fait rien, si tu es malade ils s’en foutent de ça. Mais pour te donner les cachetons, ça ils viennent tous les matins, 9h hop chacun il a son nom, sa petite enveloppe et chacun à sa dose. Tous les jours ça, même le samedi et le dimanche c’est les policiers qui distribuent. J’avais mal aux dents 3 semaines. Ils me voyaient dans les caméras, toute la nuit je marchais dans le couloir pour ne pas déranger mes co-détenus. Et ils s’en foutent, ils s’en foutent. Le doliprane ils m’en ont donné une fois et ils m’ont dit qu’ils vont me ramener chez le dentiste mais peut-être je ne suis pas là.

Pour eux on est pas des êtres humains, moi je le vois. J’ai 42 ans, je ne suis pas né hier. Les gens ne voient pas parce qu’ils sont cachetonnés, parce que même les médicaments ils le mettent dans le manger. C’est pour ça je ne mange presque pas. Je prend juste le beurre, la confiture ou du fromage, le pain ou le sucre. Je sais qu’il y a des trucs dans le manger.

Moi je veux rentrer en Tunisie, la Tunisie c’est mon pays mais je veux prendre mon fils avec moi. Après moi il y a qui ? Mon fils a perdu sa mère, il va perdre son père et il va perdre le lien avec son petit frère. C’est un gamin de 8 ans. Si ils ont un cœur normalement ils le voient ça. Pour le petit, pour le bien de ce garçon, il a 8 ans. Mais ils s’en foutent. J’ai ramené tout, le certificat de décès de la mère de mon fils, j’ai tout ramené. Mes enfants sont français. Je sais pas, mais ils veulent faire de moi un monstre, ils veulent que je deviennent un monstre.
La juge elle peut être loin de son fils une semaine ? Je pense pas. Mais pour nous les étrangers, oui. On est des étrangers on est pas des êtres humains. Mon grand-père c’est un ancien combattant français, 1942. Il a laissé ses yeux ici, il a perdu ses yeux ici. Il a vécu toute sa vie aveugle, pour la France. Et voilà maintenant pour son petit-fils ce qu’ils font.


Grève de la faim au CRA de Marseille : les détenus témoignent de l’instrumentalisation d’une vidéo d’extrême droite

Au centre de rétention administrative de Marseille, des personnes ont débuté une grève de la faim depuis plusieurs jours. Leur lutte est une réponse directe à l’instrumentalisation orchestrée par une vidéo d’extrême droite, diffusée sans leur consentement. La parole des personnes enfermées est systématiquement réprimée par le CRA et l’État. Mais quand des vieux racistes veulent s’en servir pour déverser leur venin, c’est tout le contraire : les portes s’ouvrent grandes pour leur discours puant. Sans se contenter de filmer en cachette à l’insu des personnes, se faisant passer pour des avocats, le député UDR, ami de Eric Zemmour et son acolyte Florentin ont publié la vidéo sans flouter les visages des personnes enfermées. C’est donc par leurs proches que les retenus ont appris l’existence de cette vidéo :

« le 26 octobre on a été alerté par des appels téléphonique des membres de nos familles qui ont vu la vidéo youtube et qui ont été surpris de voir nos images. Alors ce fut un double choc pour nos familles qui savaient même pas pour notre présence ici, au cra, et qui découvraient que nos visages étaient diffusés sans voilage, ni floutage, sur une chaîne youtube. »

De cette double violence les retenus ont voulu, entamant une grève de la faim faire entendre leurs voix qui ne sort jamais du CRA. Ils demandent le respect de leurs droits à l’image et veulent rétablir à travers leurs témoignages, cette fois ci consenti , la vérité de leurs rétentions et ainsi que les conditions dans laquelle elles se déroulent. Conditions d’enfermement déplorable, nourriture infâme, manque d’accès aux soins, violences policières sont le quotidien des personnes enfermées.
« On mange presque pas madame, je pesais 91 kilos, la je suis à 80 kilos, ça fait un mois et demi je suis là la bouffe elle est immangeable, je sais pas. Comme je vous ai dit c’est invivable, c’est vraiment invivable ici. »
«  il y a des gens qui sont montés sur la grille pour chopper ce truc qu’ils ont vus aux cameras les policiers, ils pensent que c’est une tentative d’évasion. Ils sont montés avec une équipe avec des matraques des boucliers tout ça ils nous ont gazés ils nous ont tapé »
Ils demandent aussi qu’on leur fournissent des explications sur le silence de l’administration suite à la publication de cette vidéo et que leurs plaintes soient prises en considération.

Les CRA déshumanisent, humilient, violentent et tuent. Il est hors de question que le fascisme puisse rentrer impunément dans l’enfer pour nous le vendre comme un paradis.

Témoignage 1

Alors voilà c’est pour porter plainte contre un media d’enquête, « Livre Noir » pour atteinte au droit à l’image. En effet ce média a diffusé le 25 octobre sur sa chaine youtube un reportage réalisé au niveau du centre de rétention administrative de Marseille et le 26 octobre on a été alerté par des appels téléphonique des membres de nos familles qui ont vu la vidéo youtube et qui ont été surpris de voir nos images. Alors ce fut un double choc pour nos familles qui savaient même pas pour notre présence ici, au cra, et qui découvraient que nos visages étaient diffusés sans voilage, ni floutage, sur une chaîne youtube. Alors ces messieurs nous ont dit que c’était des avocats, qui étaient venus voir nos vies tout ça alors nous ont parlé tout ça, alors il y avait une caméra caché et on l’a pas vu. Il est important aussi de souligner que ce reportage est réalisé en caméra caché. Il y a certaines personnes comme les infirmières et les avocats avec un floutage et un voilage et nous on y apparaissait sans floutage ni rien pendant 10 minutes. Et on a été filmé au grand public sans protection suffisante ni respect de notre droit à l’image et vie privée. Et voilà en conséquences je m’adresse à vous et compte sur vous pour que des mesures soient prises pour remédier à ça et de fait de rétablir ce droit .

Surtout que vous saviez pas que c’était des journalistes

Ouais on savait pas que c’était des journalistes on pensait que c’était des avocats. On leur a montré ce qu’on vivait, qu’on avait que de l’eau chaude, il n’y a pas d’eau froide C’est invivable ici c’est vraiment invivable et là le monsieur nous a filmé et il a partagé ça normal nos visages et je sais pas comment vous pouvez justifiez ça mais c’est une honte, c’est une honte c’est vraiment une honte ce qu’il a fait et je sais pas s’il s’appelle Jordan Florentin, sur la chaîne youtube éditée par la société artefact.

Et les flics c’est eux qui vous les ont présenté ? Il faisaient quoi à ce moment là ?

Ils étaient un peu éloignés et on voyaient pas qu’ils avaient une caméra cachée. Ils disaient rien. Il y avait un député et il y avait un gars qui parlait au député, mais on savait pas que c’était un journaliste. Après on a été choqué par les appels des gens. On nous a dit, la famille a vu des reportages et tout ça et là on était choqué. Et on a fait une grève de la faim depuis le 26. Depuis le 26 on a rien mangé là. On est 4 personnes on a rien mangé, on veut pas manger. Et on veut porter plainte contre ce monsieur. Il a aucun droit d’utiliser nos images comme ça.

Ouais toi tu t’es engagé dans une grève de la faim là.

Oui moi et trois autres personnes depuis le 26. Et là je sais pas comment faire là on est enfermé, je sais pas comment on va faire valoir nos droits mais on va pas lâcher. On va pas lâcher, c’est inhumain, c’est inhumain. Je sais pas il était à notre place, je sais pas s’il aimerait qu’on puisse utiliser son visage, dans des conditions pareil c’est…. Je sais plus quoi vous dire, c’est une honte c’est une honte ce qu’il a fait.

Oui c’est horrible, toi pourquoi t’avait envie de témoigner ?

Parce que ces gens là ne sont pas venus de manière correcte, c’était pas correct, ils nous ont dit qu’on était sur la liste, qu’ils voulaient nous parler. Alors la il a fait ses bails il a fait le malin, alors moi y a mon visage qui apparaît pendant 1 minutes entière. Pendant 1 minute entière on voit que mon visage et celui des collègues avec moi. C’est vrai qu’on a un petit problème administratif de papiers, ça veut pas dire qu’on est pas humain, ça nous insulte dans les commentaires et tout ça.

C’est clair et surtout quand, enfin toi tu nous parlais à un moment des conditions, tu disais qu’il y avait pas d’eau chaude, ils parlent de la nourriture, qu’elle est hyper bonne, c’est pas du tout ça qui se passe à l’intérieur ?

On mange presque pas madame, je pesais 91 kilos, la je suis à 80 kilos, ça fait un mois et demi je suis là. J’ai un grand dossier médical, j’ai une suspicion de tumeur dans l’oreille gauche , ils ont rien fait, ils m’ont donné des gouttes périmées, ils m’ont donné que ça, la bouffe elle est immangeable, je sais pas. Comme je vous ai dit c’est invivable, c’est vraiment invivable ici. Et là ils s’en foutent, et même pour nous renvoyer chez nous en Algérie ils veulent pas, pourquoi nous laisser ici alors, pourquoi nous enfermer. Moi même j’ai demandé pour rentrer en Algérie, j’ai demandé un laissé passer ça fait presque deux mois que je suis là , il veulent pas me renvoyer en Algérie, mais eux ils veulent que je reste ici. Je comprends pas comment ils fonctionnent et comment ils prennent les gens.

C’est clair et ils en parlent pas du tout, même les infirmières elles disent on reçoit tout le monde, on est au petit soin… mais ce que tu dis c’est pas du tout ça.

Oui c’est vrai pour les petits trucs elles sont là. Mais quand moi j’ai un problème dans mon oreille tout ça, et à la fin on me donne des gouttes qui sont périmées depuis juillet 2023, quand même l’oreille c’est sensible . J’ai découvert ça j’étais choqué et là j’ai aucun soin, j’attends que je sorte pour que jme soigne dehors voilà. Et y en à même qui ont des pensées suicidaires, je vous jure. Et y en a un qui veut même se suicider. Parce que ses enfants ont vu ça sur youtube, c’est des gosses de six ans je vous jure je vous jure il a des pensées suicidaires, c’est… tout le monde s’en fout tout le monde s’en fou, là ça fait 4 jours qu’on fait une grève de la faim, vous mangez pas d’accord, ils nous mettent de coté, le matin ils nous appellent les infirmières pour voir notre diabète tout ça et c’est tout, c’est tout, ils s’en foutent

Et du coup vous, vous avez déposé une plainte c’est ça que tu disais ?

En fait on a parlé au forum pour déposer une plainte. Ils nous ont dit que la police allait passer et là il y a aucune procédure qui a été faite.

La police doit passer pour prendre votre plainte ?

La on attend toujours la suite, j’ai écrit un dépôt de plainte je l’ai déposé, et ils nous ont dit que la police allait venir pour prendre notre plainte. Et la on attend toujours.

Vous attendez toujours … Et forum1 juste pour dire forum c’est l’association qui travaille à l’intérieur du cra

Oui même c’est forum, même eux ils veulent porter plainte parce que ils ont utilisé une caméra cachée, et la dame de forum elle parle et les infirmières aussi, mais eux ils avaient le visage flouté pas comme nous. Nous il nous ont diffusé en grand sans flouter et c’est ça qui nous a choqué en fait.

Oui ça a du être horrible à voir…

Mais trop même trop même. Et voilà et j’espère qu’on va avoir droit

Ouais bah on espère aussi et on te donne plein de force. Est-ce que y’a quelque chose que t’as envie de rajouter ?

Il faut juste que justice elle soit faite , et qu’on est droit à voir comment il a pu diffuser ça et personne n’en a parlé pouvoir parler, quand même on est des humains. Voilà. Et je vous remercie beaucoup.

Mais merci à toi d’avoir pris le temps de nous parler. Et de faire le témoignage.

Pas de soucis merci beaucoup bonne journée.

Témoignage 2

est ce que tu veux revenir sur comment ca se passe en ce moment dans le centre ?2

dans le centre, comment vous dire, cote hygiene dans l’etage ca melange tout le monde tu vois, tu trouves des toxicos, des gens qui sont malades. Ils sont pas la, pas de soutien médical

pas de prise en charge ?

oui c’est ca. Même quand tu demandes pour aller a l’infirmerie tout ca toujours ya pas de docteur, ya deux infirmières elles sont derrière une grille elles t’écoutent même pas. Quand je parlais coté hygiène, ya quelqu un qui vient chaque jour nettoyer les cours mais tu vois c’est sale, c’est sale, tarpin sale même les murs tout ca.
Je suis dans un étage, l’année dernière il y a des gens qui sont morts ici, asphyxié a cause d’un incendie qui s’est déclenché ici
(Plus d’infos ici)

puis la qu est-ce que j’entends qu‘il y a des échos qui tournent
Ya un policier dans l’autre batiment qui a fait rentré des journalistes qui ont sur eux des cameras. Ils ont filmés et je sais pas moi, ils floutaient toutes les tetes des travailleurs ici. Et les detenus ils ont pas flouté le visage, meme aujourdhui normalement ce truc ca a provoqué des problemes pour des gens ici.
Parce que aussi nos familles savent pas que que les gens sont ici.
Ils ont posé une plainte et sont rentrés en greve de la faim.
Deja t’as vu la greve de la faim ca a acceleré des procedures ; par exemple pour certains y’a un mec ici ils ont ramené aujourdhui un vol pour lui. Il a refusé, il a dit qu’il pensait se suicider.
Genre t’as vu meme les conditions ici du centre, ils te laissent angoisser, t’as peur de tout.
Si jamais j’avais un téléphone avec une camera il faut le faire rentrer, on a pas d’eau chaude

sur les infirmières évidemment les détenus des fois sont tendus puisqu’il n y a pas d’accès aux soins

A l’infirmerie, j’ai mal aux dents, j’ai mal a la tete, doliprane jsai pas quoi, que du doliprane, que du doliprane.
Ya un mec meme il crachait du sang et tout et ils disent t’inquiete on va voir t’inquiete on va voir mais comment dire elles s’en foutent. Juste on vient te voir quand tu vas au tribunal, ou si tu vas a forum ou a l’ofii. Mais jsais pas pour les autres trucs pour le minimum elles viennent pas.

ya pas de suivi medical quoi, juste l’infirmerie et les dolipranes. Genre le pote qui crachait du sang la

ya pas de docteur

et le pote qui crachait du sang on a rien fait pour lui ?

il le prend ils lui ont donné des dolipranes haha dolipranes, ibuprofene jsai pas quoi.
Hier ils sont venus les pompiers pour lui yavait pas de docteur avec les pompiers ils ont dit non c est une crise a cause du stress c’est bon ca va partir. Le mec toute la nuit il avait pas dormi tu vois il avait craché et vomi.
Meme pour sortir a l’hopital elles disent (les infirmieres) ya pas d’effectif pour l’escorte jsai pas quoi jusqu a l’hopital. Mais ils ont une escorte pour envoyer en deux deux a l’aeroport.

on a capte toute a lheure ya le pote qui a ete amene a laeroport, c’est une personne en greve de la faim.

oui cest ca mais il est revenu la il a reussi a refuser le vol
meme pour la video ils disent que c’est super bon alors que tout le monde a l’intérieur nous dit que c’est dégueulasse que meme des fois c’est cachetonné

Mais jte jure c’est horrible, c’est horrible frerot j’arrive pas à décrire les choses si j’avais un téléphone ou un truc comme ça c’est un truc de malade, tu vois je sais pas meme genre, meme en cellule y a pas d’intimité genre si on peut dire la genre, les chambres c’est à nous, les chambres ici on a pas les clés, n’importe quelle personne ouvrent la porte rentre chez toi et qu’est ce qu’il va faire ? T’as compris le délire ?

Et vous etes combien en ce moment par chambre ?

Euh il y a une grande chambre ya 5 personne et les autres chambres, il y a 2 par chambre mais le probleme comme je te dis on a pas de clés ça ne ferme pas et meme dans la douche je sais pas moi moi quand je suis arrivé le premier jour dans la nuit, le lendemain j’allais au jugement avec un pyjama. Y a pas d’intimité ; y a pas de sécurité de base. Elle peut faire rentrer tout avec les policiers meme au parloir ou je sais pas ou tu vois ?

Y en a souvent des fouilles ?

Des fouilles nan y a juste si ils voient une chose, genre si tu montes sur la grille ou un truc de comme ça pour eux c’est une tentative d’évasion et après ça y a une fouille tu vois ? Moi j’ai la maintenant depuis 20 jours depuis que je suis là on m’a fouillé une fois comme je te dis la dernière fois il y a quelqu’un qui est resté collé au grille il y a des gens qui sont monté sur la grille pour chopper ce truc qu’ils ont vu au camera les policiers ils pensent que c’est une tentative d’évasion. Ils sont montés avec une équipe avec des matraques et des boucliers tout ça ils nous ont gazés ils nous ont tapé mais comme nos amis ils nous ont fouillé mais ils ont rien trouvé tu vois

Tu disais y a des personnes qui sont montés sur le toit pour récupérer des trucs que des gens avaient envoyé de l’extérieur après ça ils vont ont matraqué

c’est ça et après le lendemain y avait des manifestations devant le cra aussi pour des gens qui supportent les gens qui sont dans le CRA, libérez les et tout et on a monté encore sur la grille et tout on a envoyé encore des gens ; parce qu’on est monté sur les grilles, il y a des trucs intouchables et ils nous laissent faire ce qu’on fait mais devant les cameras touché les grilles c’est interdit. On dirait le seul truc interdit c’est ça.

Y a beaucoup de monde en ce moment dans le cra ?

Normalement y a plein de monde mais dans notre bâtiment il y a trois cellules qu’ils ont fermé du coup on est pas beaucoup dans notre étage. Les autres étages ils sont plein.

Y a d’autres trucs que tu voulais dire par rapport aux conditions en ce moment ?

Il y a des salles d’activités de baby foot normalement c’est pour tout le monde tu vois ? Mais c’est pas en libre accès. Les policiers pour gérer ils demandent genre 2-3 personnes et c’est eux qui font la loi dans chaque étage et du coup c’est 2-3 personnes qui font la loi. Et du coup c’est pas les policiers qui font la loi. Même il y a des nouveaux des arrivants qui rentrent avec leurs trucs et tout. Ils lui disent tiens toi tu as une montre… Donne moi ci donne moi ça et du coup c’est laissez nous tranquille vous faites pas des bagarres et je sais pas

Les flics ils essayent de jouer sur les conflits internes pour avoir du pouvoir

C’est ça exactement

Tu sais si y a des expulsions en ce moment ?

Depuis que je suis rentré y a eu beaucoup d’expulsion déjà la personne a coté de moi il a la double nationalité ou je sais pas quoi ils veulent le renvoyer vers la serbie ; ca fait 4 jours ou 5 jours ils ont pris l’avion après ils ont dit le vol est annulé mais pour les algériens le consulat ils signent pas le laisser passer et les autres nationalités je sais pas comment ça se passe

Sinon une autre question dans la vidéo ils disent que toutes les personnes enfermés dans le CRA c’est tous des délinquants. (Bon, nous on pense que même si t’es délinquant il faudrait pas t’enfermer) mais même ça c’est faux

C’est pas tous des délinquant ya des gens qui sortent de prisons, ils sortent de prisons ils te mettent ici au cra si tu as pas de papiers si t’es pas en situation régulière sur le territoire français et il y a des gens genre contrôle ; contrôles aléatoires, t’as pas de papiers tu viens ici

oui il y a les deux ouais

Il y a pleins de nationalités il y a des brésiliens y a 1 ukrainien, italien, il y a un italien ici il s’est retrouvé ici après une bagarre au bar. Il a fait une garde à vue et après il s’est retrouvé au cra. C’est pas genre pour les tunisiens les algériens ou nord africains ou un truc comme ça ou les africains c’est tout le monde, tout le monde. T’as pas une situation régulière sur le territoire français tu te retrouves ici direct. Même pour un contrôle normal .

  1. forum réfugié est l’association d’accompagnement juridique présente à l’intérieur du cra de Marseille ↩︎
  2. [on un peu repris l’audio pour enlever certains silences ou redites ce qui peut expliquer qu’il peut y avoir des légères différences entre l’audio et sa retranscription qui a été faite sur l’audio original, on pense ne pas avoir déformé les propos du témoignant pour autant] ↩︎

Départ de feu au CRA de Marseille en résistance aux expulsions


Dans la nuit du jeudi 1er février, un incendie s’est déclaré dans le bâtiment 1A du centre de rétention de Marseille à Canet, 13014.

La police a placé au moins quatre personnes en garde à vue, dont un qui a été expulsé entre temps

Cet incendie s’inscrit dans la résistance quotidienne contre le système d’exclusion, d’enfermement et d’expulsion des migrant.e.s

Force à celleux qui résistent.
A bas les CRA
A bas les frontières